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Café-philo du Gilbar du 22 février 2006

Publié le dimanche 12 mars 2006.


1) L’infidélité [9/14] (sujet choisi)

2) Faut-il mentir pour gouverner ? [2/14]

3) Tout le monde peut-il créer ? [6/14]

4) Faut-il avoir des certitudes ? [1/14]

5) Les jeux olympique favorisent-ils le nationalisme ? [0/14]

un texte de Philippe Brenot, inventer le couple, Editions Odile Jacob, 2001, pp. 85-86)

Cette morale du refoulement et de la contrition émane en définitive seulement de quelques textes qui seront inlassablement commentés, car il n’en existe pas d’autres ! Ce sont les éternelles Épîtres aux Corinthiens dans lesquelles Paul prône l’abstinence, la chasteté, le célibat : « S’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient, mieux vaut se marier que brûler [...]mais celui qui ne se marie pas fait mieux encore » (Corinthiens, VII,2) ou encore l’Épître aux Galates, témoignant d’une conception néo-platonicienne dualiste qui condamne sans équivoque le péché de la chair : « Frères, conduisez-vous selon l’Esprit et n’accomplissez pas les désirs de la chair. Car les désirs de la chair s’opposent à l’Esprit et ceux de l’Esprit à la chair : ils se contredisent l’un l’autre, Si bien que vous ne faites pas ce que vous voulez [...]. On sait ce que produit la chair : débauche, impureté, libertinage, idolâtrie, magie, inimitiés, discordes, jalousies, colères, rivalités, divisions, coteries, haines, meurtres, orgies, ripailles et les choses du même genre. Je vous en avertis comme je l’ai déjà fait : ceux qui font de telles choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu » (Galates, V, 16-24). Ce sera encore saint Jérôme, se retirant plusieurs années au désert pour tenter de faire disparaître ses visions érotiques, obsessions visuelles de danseuses, qui condamnera ainsi le désir : Si un homme aime trop intensément une femme, fût-elle la sienne, il est coupable d’adultère. « Rien de plus immonde que d’aimer sa femme comme une maîtresse. »

Les premiers gnostiques refuseront toute pensée charnelle, toute forme d’union, même légale. La chasteté abstinente devint alors une vertu suprême, un symbole d’humanité et de pureté s’opposant à l’image animale de l’accouplement sexuel. « Le premier vœu des chrétiens est l’abstinence absolue, l’exigence de virginité. L’amour chrétien se fonde sur l’enseignement paulinien d’une orthodoxie anti-désir. Le plaisir est interdit comme fin, il est gourmandise ou luxure, synonyme de vices . »

Trois siècles plus tard, les commentaires théologiques de saint Augustin viendront compléter cette condamnation de la chair et du mariage amoureux en renforçant les attitudes antisexuelles des premiers chrétiens : nous sommes les produits du désir, car nous avons été conçus dans le péché de la chair. Pour expier cette faute nous devons maîtriser nos désirs par la volonté. Seul le rapport sexuel fécondant est acceptable. Les autres sont péchés, même dans le mariage. Cette rigoureuse morale du refoulement qui domine encore partiellement notre civilisation n’est en réalité le fait que d’un petit nombre d’hommes tourmentés, névrosés et inhibés qui vivaient autour de la Méditerranée au début de notre ère mais dont l’influence a été considérable par le poids des Églises sur les États occidentaux. La pensée de Paul, de Matthieu, de Jérôme, commentée et rigorifiée par Augustin, a été systématisée par Thomas d’Aquin et intégrée au dogme de l’Église catholique selon un décret du pape en 1563. La sexualité non reproductrice ou accompagnée de plaisir devient alors « luxure », que ce soit dans le mariage ou en dehors. Elle est qualifiée de « péché contre nature », comme le sont les positions anormales du coït, l’homosexualité, la masturbation et la bestialité.


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