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Le désir
ou la structuration par le manque

par Eric Geysen-Lachérade

 

Paru dans l'Incendiaire n°1, octobre 1997
2 pages



Résumé

pas disponible

 

Sommaire rapide

Si l'homme est devenu l'homo sapiens est-ce seulement une question d'évolution ?
N'y-a-t-il pas un élément moteur sous jacent à cette évolution ? Dans le cas où cet élément n'existerait pas, cela impliquerait que le facteur hasard est responsable du degré de civilisation ou d'a-civilisation d'une société. Or il est prouvé depuis longtemps que le hasard n'existe pas, nous pouvons parler d'une synchronicité entre le Kairos et l'action mais en aucun cas de hasard. La structuration n'est pas le fruit du hasard, mais pour qu'il y ait synchronicité, il faut que quelque chose préexiste à l'action. Cette chose, c'est le désir.

1. LE DESIR, UN PROBLEME DE LINGUISTIQUE
Dans notre langue, il n'y a qu'un mot pour parler du désir, c'est le désir.
C'est ainsi que nous désirons de la même manière une femme, un emploi, une voiture, une œuvre d'art ou n'importe quelle autre chose. Et j'ai bien dit chose, car le français parle du désir de l'objet et du désir du sujet de façon identique : "Je désire faire l'amour" et "je désire acheter une Mégane diesel". Voilà deux exemples qui mettent en relief la confusion naissant du désir : la femme comme objet (le problème est ici le même pour l'homme lorsqu'une femme parle) mise sur un plan de quasi égalité avec la voiture, encore que dans l'esprit de beaucoup d'hommes la voiture sera plus importante...
Considérons maintenant la langue allemande : il y a ici trois mots pour parler du désir.
D'abord le Wunsch. C'est le souhait : "Je désire un travail" dans le sens je souhaite en trouver un.
Ensuite le Lust ou Gelüst. C'est l'envie, la convoitise mais également la jouissance, or ce n'est pas du hasard si le même terme rassemble les deux, "ce discours n'est pas du semblant"...
L'illustration ici c'est "Je désire une Ferrari" ou "Je désire jouir". Pour terminer avec le Lust, nous noterons que Lustseuche c'est la syphilis, ce discours n'est définitivement pas du semblant...
Pour terminer, il y a le Trieb, le désir du psychanalyste car c'est le terme choisi par Freud dans ses ouvrages. Le trieb, c'est le désir naturel, l'instinct, la pulsion mais aussi in extenso la force végétative, la libido. "Je désire manger", "Je désire une femme".
Je rajouterai ici le Will, que l'on pourrait traduire par vouloir mais qui signifie la volonté et par extension le désir.
La langue anglaise est comme toujours plus précise que le français mais nettement moins que l'allemand. L'anglais possède deux termes : desire et wish. Ces mots sont beaucoup moins nuancés que leurs collègues allemands car desire est la version anglaise de notre désir alors que le wish implique une notion de souhait, de volonté.
Au travers de la linguistique, nous voyons que trois notions essentielles se dégagent des diverses définitions données : la jouissance, le vouloir. Nous verrons par la suite que ces termes sont indissociables du désir.

2. LE DESIR C'EST "LALANGUE"
Dans la partie précédente, j'ai parlé de la linguistique, donc du langage, car le désir se situe dans ce même langage mais pas seulement en lui. Le désir a son verbe corporel, ses attitudes qui ne trompent pas, c'est pour ça qu'il est du domaine de Lalangue. Or Lalangue, c'est l'Insu.
C'est pour cela que bien souvent, le désir c'est l'inter-dit. En effet, il est maintenant clair que la finalité du désir c'est la jouissance, jouissance qu'il est difficile d'accepter comme telle. Par voix de conséquence, le désir est inacceptable, donc rejeté, refoulé dans l'Insu. Il ne peut plus alors se manifester que par Lalangue et à demi mots ou à demi maux. Par conséquent, le symptôme devient l'expression du désir, son énoncé et sa satisfaction par substitution. Par son état inconscient, qui le pose en tant que Trieb, instinct, le désir nous ouvre les portes du ça-voir.
Le désir, par son ex-sistence suppose la condition sans laquelle il n'y aurait pas de désir ;
à ça-voir le grand Autre. En effet, à quoi sert la pulsion si elle n'a pas d'objet ?
L'Autre est le lieu du désir dans le sens qu'il est le récepteur du message inconscient de l'Un.
Le désir est donc message, un message qui érige l'Autre. Cependant, le désir a beau être de Lalangue et se manifester par la parole, lieu du Verbe, il ne faut pas le confondre avec la séduction.
Le désir se montre comme préliminaire à la jouissance et la séduction se vit comme la démarche sans laquelle le désir ne peut se manifester. La séduction, c'est la parade nuptiale de l'humain.
C'est l'acte par lequel nous nous vendons, par lequel nous nous montrons comme objet sexuel pouvant être digne d'intérêts. Si effectivement l'Autre nous montre de l'intérêt, il y a première satisfaction au désir. Or il faut garder présent à l'esprit que la séduction, c'est une lutte, une lutte à mort. En effet, l'objet du désir une fois atteint, il y a jouissance, une jouissance de courte durée, vite remplacée par le manque, manque qui lui-même sera à son tour remplacé par un autre désir.

3. LE MANQUE COMME STRUCTURE
Doit-on alors assumer tous ses désirs et les vivre pleinement ou bien assumer au contraire le manque qui s'en suit et chercher à comprendre l'étrangeté de cette répétition ?
Ne pas vivre ses désirs par peur du manque, du vide, c'est aller droit vers la castration, c'est se refuser comme objet du désir de l'Autre. Pourtant, vivre à fond ses désirs ressemble à une fuite, fuite devant le vide, devant les abîmes de l'Inconscient. Il est clair que la jouissance en général est une sorte de mort, de petite mort. Or l'homme ne parle pas de la mort, pas plus d'ailleurs qu'il ne parle de la jouissance ou de la sexualité, qui sont pourtant les mamelles de l'Être.
La mort est ressentie comme un vide, ou plutôt comme une inquiétude devant l'inconnu; un inconnu que nous remplissons de vide pour ne pas nous trouver devant l'infini, devant l'Un-fini.
Pourtant, le vide est partie intégrante de notre Être. On dit que la nature a horreur du vide et c'est bien là que se situe le problème, car l'homme ne peut pas accepter le fait que ses désirs ne soient que des substituts permettant au manque de se faire une place, place qui est nécessaire car elle est notre fondation. Pourrions-nous vivre uniquement de satisfaction et de plénitude ? La plénitude se doit de demeurer un terme, le but de notre vie. Plénitude doit rimer avec harmonie, harmonie avec soi-même puis, de facto, avec l'Autre.
En s'assumant comme objet du désir de l'Autre, l'individu assume le vide qui ne manquera pas de s'en suivre. Le but de l'analyse, c'est justement ce vide, cette coupure.
Depuis la perte du premier objet, la mère, l'individu cherche à remplir ce vide, ce trou laissé par cet objet primordial, cet objet que Lacan nommait "l'objet petit a". Chaque désir permet de tenter de mettre un objet de substitution en lieu et place de ce trou que l'on ne saurait voir.
Or personne n'a trouvé mieux que Lalangue pour, à la fois, faire la coupure nécessaire, et boucher le trou.

En conclusion, je dirai que l'individu est une montagne de désirs qui ne servent à rien s'ils ne sont pas compris (con-pris ?), assimilés. Le désir cache la béance et par conséquent interdit la coupure mais autorise souvent la déchirure. Aussi, je dirai, en substance, que l'expérience du vide est nécessaire à la plénitude de l'âme, à la libération du Soi. C'est grâce à cette assimilation que l'individu a pu progresser et arriver à devenir celui qu'il est maintenant. Cependant, il faut bien dire qu'une telle évolution ne peut se faire qu'au détriment du principe de plaisir, ce qui ne peut qu'amener l'homme vers la frustration et par conséquent vers la brutalité et la barbarie.


Éric GEYSEN-LACHERADE

 

 

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