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Le cerveau des femmes

par JFC

 

Paru dans l'Incendiaire n°2, novembre 1997
6 pages



Résumé

De l'infériorité des femmes ou petite tête, t'es bête ! ;-)

 

Sommaire rapide

JFC : Je suis professeur au lycée et depuis un certain temps je me demande pourquoi, en terminale Scientifique option OTI (anciennement E), il y a une fille et 15 garçons et 26 filles et 2 garçons en terminale Littéraire (anciennement A).
Doreen Kimura : Nous pouvons expliquer cela très simplement : cela vient "vraisemblablement de l'influence des hormones lors du développement du cerveau".
JFC : Ah bon !
D.K. : "in utero les œstrogènes et les androgènes (notamment la testostérone) assurent la différenciation sexuelle du fœtus. Chez les mammifères, notamment dans l'espèce humaine, les individus ont le potentiel de devenir soit des mâles soit des femelles. Quand les cellules de l'embryon ont un chromosome Y, le développement des testicules commande le développement masculin [...].
Une fois les testicules constitués, ils produisent deux substances [testostérone et hormone antimullérienne] qui permettent le développement des caractères masculins."
JFC : Donc le fait que les garçons soient meilleurs en maths et les filles en français vient de la présence ou de l'absence de testicules. Pourtant je ne comprends pas bien, on dit couramment que lorsqu'il y a présence de testicules on a affaire à un mâle et lorsqu'il n'y a pas de testicules on a affaire à une femelle. Ce que vous décrivez n'est que la différenciation sexuelle, comment un être indifférencié devient mâle ou femelle.
D.K. : Parfaitement je ne parlais que de développement des caractères physiques masculins. Mais "Les hormones sexuelles responsables de la masculinisation des organes génitaux, participent également à l'établissement précoce des comportements mâles".
JFC : Parlez-vous des mâles en général ?
D.K. : Bien sûr ! des mâles chez les mammifères et surtout des mâles qui nous intéressent, ceux de l'espèce humaine.
JFC : Vous avez sûrement fait des expériences sur des sujets humains.
D.K. : Ce n'est pas si simple. "Comme il est exclu de modifier l'état hormonal de fœtus humains...
JFC : Sont-ce les hormones qui vous en empêchent ?
D.K. : Bien sûr que non, c'est la morale. Je ne vois pas bien où vous voulez en venir. Je reprends "nos connaissances des relations entre les hormones et le comportement résultent essentiellement d'études comportementales réalisées chez les animaux : de façon générale, les animaux privés d'hormones mâles semblent avoir des comportements spécifiques des femelles.
Lorsqu'un rongeur ayant des organes génitaux masculins fonctionnels est privé d'androgènes immédiatement après sa naissance [...], son comportement sexuel est inhibé : il ne cherche pas à monter les femelles qui lui sont présentées et adopte, au contraire, la lordose caractéristique du comportement sexuel des femelles".
JFC : En est-il de même pour les humains ?
D.K. : Je l'ai déjà dit ce n'est pas si simple, il est exclu de modifier l'état hormonal des humains. Mais "c'est dans l'hypothalamus que se structurent les comportements reproducteurs mâles et femelle" et certaines différences de taille des régions de l'hypothalamus des mâles "est due aux hormones mâles présentes juste après la naissance, et dans une certaine mesure, avant la naissance [...]
En 1991, Simon LeVay, de l'Institut Salk, a découvert qu'une des régions du cerveau qui est généralement plus développée chez les hommes que chez les femmes - un noyau interstitiel de l'hypothalamus antérieur - est plus petit chez les hommes homosexuels que chez les hommes hétérosexuels. Cette observation si elle est confirmée montrerait que les préférences sexuelles ont un fondement biologique".
JFC : S'agit-il des homosexuels "passifs" ou des homosexuels "actifs" ?
D.K. : (Surpris) Que voulez-vous dire ?
JFC : Si les homosexuels ont une partie de leur hypothalamus qui peut être comparée à celle des femmes nous pouvons considérer qu'il auront un comportement sexuel féminin. La faible grosseur de leur hypothalamus va donc les conduire à "ne pas chercher à monter les femelles qui leurs sont présentées et à adopter, au contraire, la lordose caractéristique du comportement sexuel des femelles".
Or s'il existe des homosexuels qui aiment à se faire pénétrer analysent d'autres aiment pénétrer analysent. Cette expérience ne tient compte que des premiers et en fait ignore la réalité : les homosexuels sont la plupart du temps "actifs" et "passifs" à tour de rôle.
D.K. : Vous avez des informations que j'ignorais. D'autre part j'ai parlé "d'études encore inachevées" et j'ai aussi invité à la prudence car "dans ce résultat comme dans la plupart de ceux qui seront abordés ultérieurement, on doit s'interroger sur la relation de causalité qui lie le comportement ou les performances cognitives à l'anomalie anatomique ou hormonale"
JFC : Parlons-en ! depuis que j'ai vu le film Mon oncle d'Amérique de Rainais, j'ai tendance à sourire lorsqu'on compare le comportement des humains avec celui des rats ou des hamsters.
Prenons l'expérience de M. R. Murphy (1974) "qui après avoir aspergé des hamsters mâles avec des sécrétions vaginales de femelles en chaleur, observa que ces hamsters sont considérés par des mâles non traités comme des femelles et sont montés par eux" (Stoddart (M.) : La chimie de l'amour, La Recherche, n° 213, septembre 1989, p 1079). L'histoire ne dit pas si les mâles aspergés de sécrétions vaginales se laissent pénétrer. Par contre le comportement sexuel des mâles non-traités est très intéressant. Ils ont un comportement homosexuel, actif peut-être mais homosexuel tout de même, puisqu'il vont jusqu'à monter d'autres mâles. Or nous voyons bien dans ce cas qu'il y a une explication plus pertinente que la grosseur de l'hypothalamus. Que la région de hypothalamus soit petite ou grosse ne serait qu'un épiphénomène. Ce comportement particulier n'est causé que par une phéromone.
D.K. : Mais les rongeurs mâles privés d'androgènes ont un comportement femelle.
JFC : Bien sûr ceci ne remet pas en question votre expérience sur le rongeur privé d'androgènes mais seulement le fait que le comportement animal peut obligatoirement être quantifié spatialement dans le cerveau. Le rongeur privé d'androgène développe-t-il un comportement femelle parce que les hormones ont atrophié une partie de l'hypothalamus ou c'est seulement parce qu'il est mâle castré (mécaniquement ou chimiquement) c'est-à-dire femelle réelle, qu'il dégage certaines odeurs et que certaines odeurs déclenchent chez lui un comportement femelle ?
On ne voit pas l'intérêt scientifique de quantifier spatialement les comportements dans le cerveau.
D.K. : Mais "Roger Gorski et ses collègues de l'université de Los Angeles ont montré qu'une région de l'aire pré-optique, dans l'hypothalamus, est nettement plus grosse chez les rats mâles que chez les rats femelles ; l'augmentation de la taille, chez les mâles est due aux hormones mâles présentes juste après la naissance, et dans une certaine mesure, avant la naissance."
JFC : Quant à savoir si la différence de la taille est due aux hormones mâles, avant que de nous inquiéter de la cause assurons-nous bien du fait !
Il est bien évident que la taille de certaines parties du cerveau peuvent être différentes chez le mâle et la femelle de certains animaux mais on n'a encore rien trouvé de la sorte dans l'espèce humaine. On pourrait dire aussi, ce qui était un truisme au XIXème siècle, que la taille totale du cerveau (capacité cérébrale) est supérieure chez l'homme à celle de la femme. Ce qui résulte comme chacun le sait du fait que la taille des femmes est en moyenne plus petite que la taille des hommes. Il n'est pas démontré non plus que cette différence quantitative ait quelque influence sur le comportement.
D'autre part les objections de tout à l'heure remettent surtout en question l'extension à l'homme de certaines conclusions tirées d'expériences sur les bêtes.
D.K. : J'ai déjà appelé à la prudence ! "Les hormones n'agissent pas seulement sur les comportements sexuels ou sur la reproduction, mais semblent déterminer tous les comportements où mâles et femelles différent : la résolution d'un problème, l'agressivité et la tendance des jeunes mammifères mâles à se battre [...] comme les femmes, les rates utilisent plus souvent les repères dans l'apprentissage spatial ..."
JFC : Je vous arrête un instant car vous comparez encore les femmes avec des rattes. Imaginons que l'on prenne un homme au cerveau normal pour un homme (hétérosexuel) et qu'on l'asperge de sécrétions vaginales de femme en œstrus, que se passerait-il si on le présente à d'autres hommes non traités ? je pense que nous serions déçus : il ne se passerait rien. C'est qu'à la différence des animaux le comportement sexuel chez l'homme n'est pas aussi nécessairement déterminé par les odeurs. Au point de vue des comportements sexuels induits par les odeurs le modèle animal n'est pas pertinent. Ne pourrait-on pas étendre cette conclusion au comportement sexuel en général ?
A quoi vise le comportement sexuel ?
D.K. : A la reproduction de l'espèce.
JFC : Mais cette finalité semble ignorée par la bête qui copule car pour un individu particulier la copulation ne semble exister que pour éliminer une excitation sexuelle. L'excitation sexuelle comme la faim ou la soif sont universelles chez les animaux, y compris l'homme. Mais les comportements pour satisfaire ces excitations ne sont pas de même nature chez l'homme que chez les animaux.
Car les bêtes ont un instinct sexuel, c'est-à-dire un "ensemble complexe de réactions extérieures, déterminées, héréditaires, communes à tous les individus d'une même espèce, et adaptées à un même but dont l'être qui agit n'a généralement pas conscience" (Lalande : Vocabulaire le la philosophie, PUF). Cet instinct qui pousse l'individu à se satisfaire en copulant, vise toujours à la reproduction de l'espèce. Or, contrairement aux bêtes, il existe chez l'homme de nombreuses variations relatives tantôt à l'objet (la personne qui exerce un attrait sexuel) tantôt au but (l'acte auquel pousse la pulsion) sexuels. Ainsi il ne saurait ici être question d'instinct. La plupart d'ailleurs de ces comportements étant des perversions, ne vise absolument pas à la copulation avec un individu de sexe opposé c'est-à-dire à la reproduction de l'espèce mais à obtenir du plaisir. C'est que chez l'homme la sexualité ne peut pas se confondre avec la génitalité et est indépendante de la reproduction de l'espèce. Cette dernière, comme la faim et la soif, relève chez l'homme du besoin. La sexualité relève du désir.
D.K. : Mais ce besoin a peut-être une base dans le fonctionnement du cerveau.
JFC : Oui sûrement mais il ne peut résoudre notre problème car il est indifférencié sexuellement, c'est-à-dire qu'il n'est pas plus présent chez l'homme que chez la femme, chez l'hétérosexuel que chez l'homosexuel.
D.K. : Alors c'est le désir qui a peut-être une base dans le fonctionnement du cerveau.
JFC : En asseyant de trouver une base physiologique (cervicale) à certains comportements humains vous confondez le désir et le besoin. C'est le propre de l'état d'illusion d'ignorer que ce n'est pas l'appareil psychique mais le désir qui est à son origine.
D.K. : Vu que ces concepts ne sont pas quantitatifs il sont plutôt obscurs.
JFC : C'est votre démarche qui est obscure. Vous essayez de nous illusionner et de nous conduire à vivre dans l'illusion en essayant de nous faire croire que nos désirs sont un ensemble de besoins. Mais vous êtes vous-même dans l'illusion lorsque vous essayez de montrer que les préférences sexuelles ont un fondement biologique puisque vous ignorez le désir sous-jacent à ces comportements. Vous ignorez que vos désirs sont des désirs, vous prenez vos désirs pour la réalité.
Quel est l'intérêt de chercher une base physiologique à certains comportements humains ?
D.K. : Ben euh !
JFC : Est-ce que cela ne vous rappelle rien ?
D.K. : Ben euh !
JFC : L'anthropométrie où on a essayé de distinguer l'honnête homme" du criminel par la forme du corps (Cf. S. J. Gould, La mal-mesure de l'homme, ch. IV), ce qu'à repris la génétique actuelle avec la théorie du chromosome du crime.
D.K. : Je ne connais pas.
JFC : Et la craniologie du XIXème siècle, qui permettait élégamment de conclure à l'infériorité de l'intelligence de la femme par rapport à l'homme, du "noir" par rapport au "blanc" et du "pauvre" par rapport au "riche" (Cf. S. J. Gould, La mal-mesure de l'homme, ch. II et Le pouce du panda ch. 13 et 14)
D.K. : Mais ce n'est plus de la biologie, c'est de la politique !
JFC : Il n'y a pas lieu de s'offusquer, la politique lorsqu'elle est pratiquée en tant que politique et non en tant que biologie, c'est-à-dire en tant qu'idéologie, n'est pas une maladie honteuse.
D.K. : Mais je ne fais pas de politique !
JFC : C'est dans les plus vieux pots qu'on fait les meilleures soupes. Votre topologie actuelle du cerveau à remplacé, a repris le projet vieux d'un siècle de justifier biologiquement l'ordre établi. Vous essayez de justifier l'inégalité sociale par des hypothétiques différences, que dis-je, inégalités biologiques.
D.K. : Mais alors mes tests ! les performances différentes des hommes et des femmes à mes tests cognitifs !
JFC : Que postule l'ordre établi pour justifier les inégalités sociales ?
D.K. : (avec une évidente mauvaise foi) Je ne sais pas, je ne suis que biologiste.
JFC : Je vais pourtant me servir de ce qu'à écrit un de vos confrères biologiste (R. Lewontin, La diversité des hommes, Belin/Pour la Science, 1984, p 89). Pour justifier les inégalités sociale l'ordre établi postule que "nos sociétés sont aussi égalitaires que possible compte tenu des inégalités naturelles qui existent de toute façon entre les gens".
Pour l'ordre établi, dans la société, chacun est sur la même ligne de départ dans la course pour la vie (égalité des chances), la même route est offerte à tous mais certains sont plus rapides que d'autres.
D.K. : Je ne vois pas le rapport avec le sexe du cerveau.
JFC : J'y viens car il ne suffit pas de souligner les différences de capacités individuelles car elles ne peuvent pas rendre compte de la transmission du pouvoir d'une génération à une autre, par exemple 84 % des enfants de cadres supérieurs qui sont en 6ème arrivent en terminale contre seulement 25 % des enfants d'ouvriers non-qualifiés.
Il faut de plus proclamer que ces différences sont héritées génétiquement ou biologiquement. Il y a bien égalité culturelle (sociale) mais c'est un absolu qu'on ne peut pas atteindre car il y a des inégalités naturelles, c'est-à-dire biologiques.
Vos tests ne reflètent que l'existence d'inégalités sociales entre les hommes et les femmes et non pas de différences biologiques dans le fonctionnement du cerveau. Car, des garçons de terminale E et des filles de terminale A, qui va devenir ingénieur ou physicien ?
D.K. : "Il ne me paraît pas étonnant que les femmes ne soient pas aussi nombreuses que les hommes dans les activités ou interviennent l'orientation spatiale et le raisonnement mathématique".
JFC : Oui mais être ingénieur ou physicien c'est avoir les meilleures places dans le "monde du travail". Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Pensez-vous que les filles de terminale A seront dans les professions médicales, où les facultés de perception sont essentielles ?
D.K. : Bien sûr que non.
JFC : Alors qui des garçons de terminale E et des filles de terminale A, va devenir ingénieur ou physicien ?
D.K. : Euh ! les garçons de terminale E.
JFC : Qui va faire des études de médecine ?
D.K. : Euh ! les garçons de terminale C.
JFC : Comment alors justifier cette inégalité sociale flagrante ?
D.K. : (A contrecœur) En essayant de trouver une base physiologique à la différence des comportements. C'est-à-dire en disant que "Les différences parfois notables de fonctionnement du cerveau selon les sexes font penser que les capacités et intérêts différents sont indépendants des influences sociales".
JFC : En essayant de montrer que les capacités et les comportements sont indépendants des influences sociales et dépendent de différences quantitatives au niveau du cerveau vous essayez de réduire la convention à la nature. Contrairement à une loi normative on ne peut ni transgresser ni changer une loi naturelle. Si les différences de comportement entre les hommes et les femmes dépendent de différences au niveau du cerveau elles sont de l'ordre de la nature et non pas de la convention, on ne peut donc rien y changer. Tous les discours anti-égalitaires font un tel amalgame. Vous êtes seulement en train de dire aux filles de terminale A : acceptez votre condition ! puisque l'état de fait à son origine dans la nature, dans votre nature, on ne peut pas le changer.
(Propos de Doreen Kimura, "Le sexe du cerveau", Pour La Science, n°181, novembre 1992, p 100-107)

 

 

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