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Depuis la fin septembre il y a un club philo au collège de Latillé
et regroupe entre 5 et 15 élèves. Il ne s'agit pas d'un
cours de philo mais bien d'une activité supplémentaire de
débat philosophique. Ele est basée sur le volontariat des
élèves. Viennent ceux qui veulent, quand ils veulent. Ils
peuvent même venir en milieu de séance mais ce n'est pas
conseillé. Certains aussi sont des habitués, d'autres viennent
de temps en temps, d'autres encore ne sont venus qu'une seule fois. Ces
débats philosophiques sont réservés, aux élèves
de quatrième et de troisième.
Ils ont été lancés à la suite d'un concours
de circonstances. J'étais à Latillé l'année
dernière et j'occupais la fonction de " Principal Adjoint
" lorsque les étudiants en philo qui suivent les débats
philosophiques des cafés de Poitiers ont monté leur association
" Philosophie par Tous ". J'ai parlé à M. Fleurisson,
le Principal du collège, de leur souhait de promouvoir la philosophie
en particulier dans les établissements scolaires où elle
n'était pas enseignée et, comme c'était le moment
des demandes pour les ateliers de pratique artistique, il m'a proposé
de commencer par Latillé et nous avons lancé un club philo
en collaboration avec Mme Ballaguy un professeur de Lettres du collège.
Nous avons fait le projet et il a été accepté par
la Mission Académique d'Action Culturelle.
Faire de la philosophie au collège, qui plus est à l'oral,
est une réelle nouveauté. Une telle activité n'existe
que dans un autre collège, peut-être deux en France. Nous
n'avons pour l'instant pas d'information sur la façon d'opérer
des autres et on peut dire que ce que nous faisons est " expérimental
". Il était pour nous impensable de faire un cours comme nous
pouvions en faire en terminale car les méthodes traditionnelles
de transmission de la philosophie semblent mal adaptées à
la philosophie même puisqu'elle exige de penser par soi-même.
Le professeur ne peut pas penser à la place de l'élève.
Comment faire alors pour que l'élève pense par lui-même
compte-tenu du fait que tout ce qu'il appelle " pensée "
n'en est peut-être pas ? Il y a peut-être d'autres voies que
le cours à explorer pour arriver à ce résultat et
je pense que le débat philosophique de café en est une.
Surtout que nous avons affaire à des collégiens qui sont
considérés comme trop jeunes pour avoir accès à
la philosophie. Le problème n'est pas tant de faire de la philosophie
mais de commencer à en faire, d'avoir envie de réfléchir
par soi-même, de se poser des questions, c'est-à-dire de
ne pas prendre tout comme ça vient, de vouloir se changer et changer
les choses, bref de passer de l'état d'hétéronomie
à celui d'autonomie. Pour y arriver il y a peut-être le débat
philosophique dont les règles sont simples mais sont souvent difficiles
à appliquer. Il suffit d'écouter celui qui parle et de chercher
à lui répondre. Il s'agit d'argumenter et c'est comme cela
qu'on commence à philosopher.
Nous avons donc décidé de nous servir des éléments
qui ont été définis lors des débats philosophiques
de café de Poitiers et de Saint-Maixent que nous animons par ailleurs,
mais nous avons vite touché certaines limites. Nous n'avons pas
pu, comme dans les cafés-philo, choisir le sujet au début
de chaque séance parmi les sujets proposés par les participants.
Nous avons donc défini une liste de sujets à traiter afin
que les participants puissent y réfléchir avant. Nous n'avons
pas pu obtenir de leur part des sujets " philosophiques ", du
type des sujets du bac sous forme de questions et nous avons commencé
par partir de grands thèmes, le racisme, l'avortement etc. puis
de l'actualité, le procès Papon, la violence en Algérie.
Mais il aurait fallu que les élèves soient vraiment au courant
de l'actualité et aient quelques idées précises sur
les événements. Nous avons décidé alors de
partir d'un dicton ou d'une citation pris sur une liste que nous avons
élaborée tous ensemble. La semaine dernière nous
avons traité " L'argent fait-il le bonheur ? ", la semaine
prochaine nous traiterons " Est-il vrai qu'il n'y a pas d'amour heureux
? Cela permet aux élèves qui le souhaitent de chercher les
sujets, de les remarquer lors de leurs lectures ou des circonstances de
leurs activités et de nous les proposer régulièrement.
Cela leur permet aussi de pouvoir réfléchir avant sur eux.
Nous en sommes là. Ces sujets sont assez ouverts pour que chacun
ait quelque chose à dire et à partager avec les autres et
c'est très profitable à la fluidité du débat
philosophique. Pari tenu donc. Si les élèves ne s'en désintéressent
pas, et on fera pour pour que ça n'arrive pas, le club philo pourrait
leur permettre de ... philosopher.
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