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De l'intégration et de l'élimination des cultures

par Alain Sévère

 

Paru dans l'Incendiaire n°4, janvier 1998
5 pages



Résumé

texte résumé

 

Sommaire rapide

L'espèce humaine a ceci de particulier qu'elle n'utilise pas son corps et ses systèmes de communication uniquement pour se reproduire, s'alimenter ou défendre son territoire mais aussi pour le plaisir de soi et des autres ce qui lui a permis de développer ce que l'on appelle la culture. Certains le supportent mal.
La réflexion qui suit a germé à l'occasion du spectacle de l'Orchestre National de Barbes le 14 octobre dernier au théâtre de Poitiers.
En entrant dans la salle, on trouve, côté public, à peu près ce que l'on attend dans un théâtre, même si les smokings sont rares, l'auditoire est plutôt cadre moyen à supérieur avec une proportion notable d'enseignants et d'étudiants, donc eux-mêmes issus de familles de cadres supérieurement moyens.

Tout à coup un univers culturel vacille : une meute de musiciens en tenue à peine correcte envahit la scène et se met à jouer des rythmes à sonorité africaine, une fraction maghrébine et féminine du public se précipite dans la fosse poussant cris et ululements. La majorité cependant reste silencieuse et stoïque calée dans son fauteuil de velours.

Au fil des morceaux, la foule devant la scène gonfle des compagnons de danse des premières puis des étudiants et enfin la salle presque entière se lève. Certains assumant enfin l'envie de danser qu'ils avaient depuis le début, mais que leur éducation culturelle refoulait, d'autres soulageant leurs ischions meurtris par des fauteuils et strapontins pas si confortables qu'il y paraît, d'autres enfin parce que c'était leur seule chance de continuer à entrevoir la scène.
Ceux qui restaient assis l'étaient sans doute par invalidité physique ou culturelle.

L'issue était prévisible mais comment peut-on proposer un tel spectacle dans ce type de salle ? N'aurait-il pas été préférable de prévoir une salle où le public aurait été debout dès le début et aurait pu profiter entièrement de la musique ?

D'aucuns voudraient qu'il existe de multiples cultures propres à chaque peuple. Ce qui permet de créer des musées d'art primitif et sans doute des musées d'art évolué. La tentation est alors forte d'appliquer le même classement aux peuples eux-mêmes.
La culture peut-elle être cloisonnée ?
Existe-t-il une culture européenne, une culture africaine, une culture catholique, une autre juive ou bien encore une culture noire et une blanche et pourquoi pas une culture populaire et une culture aristocratique ?
Le sentiment d'appartenance à une Culture est-il fondé sur l'existence réelle de cultures liées au sol sur lequel on vit ou n'est-ce que le résultat d'une acculturation ?
L'éducation vise-t-elle à éliminer toute ouverture ne correspondant pas à une norme ?
Pour quelqu'un qui n'a pas vu le programme et qui est plutôt habitué aux émissions télévisuelles le terme "Orchestre National " fait penser à un orchestre de musique classique avec smoking, sur scène et dans la salle.
Le théâtre étant le lieu feutré adapté pour une telle représentation culturelle aristocrato-européenne.

Barbès, pour qui connaît un tant soit peu la capitale et ses abords, ce n'est pas le même genre, mais la politique d'intégration des ministères à la ville et à ses problèmes a pu y faire des émules, un peu comme jadis on évangélisait (et colonisait) les contrées (de) sauvages afin de leur apporter la Culture et en faire des pays civilisés.
J'en reviens à l'analyse de la situation du 14 octobre.
Première hypothèse : il manque à Poitiers une salle de concert adaptée. Ce ne peut être une excuse, le spectacle aurait pu avoir lieu sur la Place d'Armes.
Deuxième hypothèse : il s'agit d'un acte délibéré faisant partie d'une politique d'acculturation plus générale : On feint d'accorder à une formation un crédit culturel tout en ne lui donnant pas les moyens de transmettre son message. C'est à dire on réprime une culture
Ou, enfin, on pense, à tort que toute forme culturelle musicale peut se mouler dans un environnement aseptisé de musique de chambre. C'est à dire on la civilise.

La notion d'intégration culturelle a ceci de pernicieux qu'au lieu d'être un mélange duquel sortira quelque chose de nouveau, elle se cantonne à une dilution dans le préexistant afin de sauvegarder un "patrimoine" difficilement construit grâce le plus souvent à une élimination systématique.
Cela conduit forcément à un appauvrissement culturel au sens que la culture est l'ensemble des acquisitions de l'humanité et non d'un groupe humain.
Ce n'est pas innocent si certaines municipalités xénophobes et nationalistes comme les systèmes totalitaires commencent par éliminer les infrastructures qui permettent la diffusion de l'art sous toutes ses formes.
La communication artistique est l'une des plus anciennes formes de communication du savoir, des échanges d'idées. Faire régner l'obscurantisme pour conserver le pouvoir est une vieille recette moyenâgeuse de l'Inquisition qui n'a pas empêché la conservation et le développement de la culture à la Renaissance. Mais cela c'est fait grâce à la lutte et à la collaboration internationale. Le propre de l'homme est d'avoir dépassé les barrières physiques et temporelles qui limitent les échanges. C'est la mémoire culturelle qui a permis le progrès, vouloir la limiter ou l'éliminer au profit d'une minorité c'est vouloir retourner à l'animalité
C'est vrai que quand on voit certains, 55 ans après, ce doit être difficile de se regarder dans une glace.

 

 

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