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AGORAZEIN
"Agorazein", c'est l'infinitif grec que nous avons choisi pour
titre à la chronique que nous avons accepté de tenir mensuellement
dans l'Incendiaire. Ce verbe, quasi intraduisible dans un unique terme
français, signifie "aller voir sur la place [publique] ce
qui s'y dit et puis parler, acheter, vendre et rencontrer des amis ; (...)
sortir de chez soi a l'aventure... "(1).
C'est ce mot singulier, sans doute, que Socrate avait l'habitude d'aller
conjuguer, quand il descendait à l'Agora exhorter ses concitoyens
athéniens à bien conduire leur vie. Ainsi appliqué
à 1'acte de philosopher, agorazein serait bien le synonyme direct
de peripatein (autre infinitif grec signifiant se promener ) qui donna
à l'école aristotélicienne le curieux nom d'école
péripatéticienne, justement parce que le fondateur du Lycée
aimait à donner son enseignement en déambulant sous les
portiques dans le gymnase du Lycée. Alors quel terme plus adéquat
aurions-nous pu choisir pour un titre de chronique du bulletin d'un Bistrot
philosophique ?
.
Voilà pourquoi nous irons flâner dans l'histoire, celle de
la philosophie avant tout, celle des idées, mais aussi celle des
hommes, des peuples et des civilisations. Nous irons dans ces différentes
histoires titiller les vérités et les pensées les
mieux établies ; nous irons fouiner dans le patrimoine culturel
des peuples qui composent l'humanité, y puiser matière a
critiquer, mêmes les pensées de maîtres, matière
à relativiser nos propres points de vue et parfois même pour
y redresser des torts... Nous irons au fond des consciences susciter des
sursauts d'orgueil, de l'éveil, mais aussi chercher la confrontation
loyale des idées. A l'instar des promeneurs athéniens A
l'Agora, nous ne fixons aucune borne ni aucun terme précis à
notre périple. Nous flânerons, sur le vaste champ des idées,
au gré du temps, de nos humeurs, mais aussi au gré de nos
rencontres, que nous espérons fructueuses. Nous escomptons rencontrer,
dans notre parcours ( spirituel) initiatique, les grands esprits, notamment
les illustres érudits qui ont façonné l'histoire
des idées et de la philosophie, mais également "les
doctes s'ignorant", à savoir vous tous qui pensez, à
tort et trop humblement, que la philosophie est une discipline trop élevée
pour vous, que vous n'en êtes pas digne ; alors qu'elle n'est pas
autre chose que la "science" de l'homme (2) en tant qu'homme.
Philosopher sied à tout être humain, comme un gant à
la main. Bref..., en vous donnant rendez-vous pour notre première
chronique, dans le prochain numéro du bulletin de notre association,
nous vous rappelons la devise du siècle philosophique des Lumières,
que nous souhaitons, modestement, faire nôtre, dans le cadre du
mouvement des cafés philosophiques : "Sapere aude ! Aie le
courage de te servir de ton propre entendement ."(3)
1) Cf. Luciano de CRESCENZO, Les grands philosophes de la Grèce
antique, Juliard, 1988,
2) Ne sommes-nous pas tous des homos triplement sapiens par définition
')
3) Cf. Emmanuel KANT, " Qu'est-ce que les Lumières ? ",
in uvres philosophiques, t. II, la bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, 1985, p. 207.
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