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Réformer les administrations : citoyens, parlez

par Jean-Christophe Grellety

 

Paru dans l'Incendiaire n°5, février 1998
2 pages



Résumé

Compte-rendu du débat de Philosophie du samedi 10 Janvier 1998
(Café Entr@site)

 

Sommaire rapide

Pour les Français, les administrations sont les institutions de service de " l'État ", c'est-à-dire de l'unité représentative de la communauté nationale. Mais avant tout, les administrations sont pour eux des relations quotidiennes, ou presque. A une époque de supposée " désoviétisation " du monde, chaque pays dispose de son administration, de ses secteurs et services publics. L'administration française, qui rassemble l'ensemble des institutions publiques, compte des centaines de milliers de " fonctionnaires ". Ce terme d'inspiration logique signifie que des personnes remplissent des fonctions - que nous pouvons penser être à priori indispensables. Les fonctionnaires sont donc nominativement des outils de service. Ceux qui acceptent de devenir fonctionnaires acceptent de devenir des serviteurs - des non-fonctionnaires. Car c'est pour ceux-ci que cette fonction publique - qu'ils l'aient voulu, réclamé ou non, existe. Pourtant, il est courant d'entendre des journalistes parler de telle personnalité, " grand commis " ou " grand serviteur de l'État ". Or si l'État existe " pour " les citoyens, un grand commis ou un grand serviteur doit l'être ou le fut pour les citoyens : grand serviteur des citoyens. Chacun sait comme moi dans quel état de circonspection peut nous laisser la méditation des services des " grands serviteurs ". Il semble que, de serviteurs de la communauté, les fonctionnaires en question soient devenus des grands serviteurs de " l'État ", c'est-à-dire d'autre chose que de la communauté. Ils sont devenus de grands serviteurs d'eux-mêmes, du fonctionnariat lui-même. D'ailleurs, vous le savez comme moi : les Français souhaitent majoritairement que leurs enfants deviennent des fonctionnaires - symbole de la " réussite sociale ".

Mais les " fonctionnaires " français de nos jours d'aujourd'hui, quantitativement ou qualitativement, n'ont pas existé ainsi de toute éternité. Les nombres ont évolué, les qualités ont été crées ou modifiées. Mais de toute manière, quantités et qualités se sont multipliées - proportionnellement ou conséquemment à l'accroissement de la population française ? Avec l'accroissement des populations et des " moyens ", les gestionnaires " locaux " sont devenus des gestionnaires d'ensemble et au fur et à mesure du développement de l'extension forme-contenu de la communauté nationale ont été crées des segments de " sens " : les Ministères. Qui connaît par cœur le nombre et l'identité de chacun des Ministères existant ? Sur Internet, un Internaute découvre les Ministères disposant d'un site Internet. Mais est-ce le même chiffre ? : c'est-à-dire chaque Ministère dispose-t-il d'un site ? Je vous invite à en faire la recherche… Sur Yahoo, 15 Ministères et autres secrétariats : Ministère de l'agriculture et de la pèche, Ministère de l'Aménagement du territoire… et un Ministère de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation. Les noms de chacun de ces Ministères indiquent-ils une " logique " ? Le Ministère de l'Emploi, dirigé actuellement par Martine Aubry, s'intitule de manière complète : Ministère de l'Emploi et de la solidarité et du Secrétariat d'État à la Santé. Son nom complet est la reconnaissance implicite ou l'affirmation implicite de la " fatalité " du chômage ou de la pauvreté puisqu'il est également le Ministère de la Solidarité. Pourquoi y a-t-il besoin d'une gestion étatique de la solidarité, c'est-à-dire de la fraternité concrète ? Au delà du sens logique, cohérent ou non des mots en rapport avec les réalités qu'ils désignent, ce sont
ces réalités qui nous importent ; entre le Ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, et le Ministère de la Culture, les différences semblent nettes : le premier ne s'occupe que de la liste complète de tous les chiffres produits par des français à l'œuvre, le second a pour objet l'identité française elle-même, la " Culture ". Et pourtant le premier est le Premier des Ministères, dixit les experts, journalistes et les fonctionnaires de ce Ministère, et le Ministère de la Culture atteint à peine les 1 pour cent du budget !

L'ambitieux projet de " réformer les administrations ", toutes les administrations, demandent de les connaître, demandent d'en connaître les erreurs de principe, les manquements, les absences… L'État a prévu un Ministère pour pourvoir à cette tâche : le Ministère de la Fonction Publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation. C'est, à priori, le Ministère le plus important puisqu'il couvre de son souci et de son enquête toute l'administration, l'Idée régulatrice de la réforme de l'État et la décentralisation, c'est-à-dire le plan le plus ambitieux et le plus important amorcé par l'État français depuis le Général de Gaulle. (http://www.fonction-publique.gouv.fr/)

Lorsque vous vous connectez au site en question, la rubrique " la reforme de l'État " commence par ces lignes :

" Les principaux chantiers de la réforme. A. Un État plus proche des citoyens (sic !). 1 : L'amélioration des relations entre les administrations et les usagers. " Dans le prolongement des travaux déjà menés au cours des derniers mois, le gouvernement a décidé de préparer un projet de loi qui pourra répondre aux orientations suivantes : améliorer le traitement des demandes des usagers par les administrations, donner un statut juridique aux maisons des citoyens et des services publics, renforcer les pouvoirs du Médiateur de la République et développer la médiation locale, améliorer la transparence administrative et l'accès des citoyens aux documents publics. " Si nous nous souvenons bien, l'État est l'émanation de la souveraineté et de la raison nationale, c'est-à-dire un ensemble de services dont les services existent précisément " pour " les citoyens. L'État français est, à priori, la somme des services qu'il est juste et bon que les Français disposent et usent. Aussi, par conséquent, nous pouvons penser que ces services et ceux qui en sont les instruments ont auprès des Français une bonne image. Raté ! : il faut Un État plus proche des citoyens et améliorer les relations entre les administrations et les usagers et pour cela, il faut améliorer le traitement des demandes des usagers par les administrations, donner un statut juridique aux maisons des citoyens et des services publics, renforcer les pouvoirs du Médiateur de la République et développer la médiation locale, améliorer la transparence administrative et l'accès des citoyens aux documents publics. Certains de ces objectifs semblent être naturels, normaux (ils ne devraient même pas être des objectifs comme améliorer le traitement des demandes des usagers par les administrations, ou améliorer la transparence administrative et l'accès des citoyens aux documents publics). Le second volet de cette volonté affichée "
Un État plus proche des citoyens " est lui aussi élémentaire et redondant. Il s'agit de " La simplification des démarches administratives ". Là encore, la finalité semble comprise dans la nature même de l'administration : la production de démarche compréhensible. Or la lucidité des fonctionnaires leur fait reconnaître que ces démarches s'appuient sur un ensemble de montages complexes d'idées, de références (dont notamment les documents émanant des impôts : " ésotérisme " juridico-financier qui permet la sélection de l'intelligent-qui-réussit, à payer le moins d'impôts possibles, à gagner le plus d'argent possible, par le placement d'argent sur des forces vives, avec le moins intelligent qui ne comprend pas les arcanes, qui ne veut parfois pas comprendre ces arcanes et qui, en dernier ressort, ne connaît pas ses droits, ni ses possibilités). Et l'indication suivante pour faire comprendre quelle sera cette proximité nouvelle de l'administration avec les citoyens n'est ni plus ni moins que la modernisation des moyens de paiement (par carte bancaire !).

Si nous souhaitons " réformer les administrations ", et que nous ne souhaitons laisser ou confier les conceptions de cette réforme aux hauts-fonctionnaires, il s'agit donc que les citoyens non-fonctionnaires prennent en charge ce projet. Sur la page de Yahoo ! indiquée plus haut, où les sites administratifs sont indiqués les uns avec les autres, il est impossible de trouver un site de réflexion qui ait pour objet de penser les administrations. Pourtant, les internautes connaissent des milliers de site où des parties ou totalités des administrations sont mises en lumière, en avant, en accusation (l'État pour des anarchistes, pour des ultralibéraux…). Yahoo ! dans sa classification reconnaît implicitement un fait : ces mondes ne se rencontrent pas. Sur le Net, des dialogues entre des personnes qui pourraient ne pas être d'accord ensemble n'existent pas, sauf de manière confidentiel dans des newsgroup. Chacun sait que la réforme des administrations est une volonté commune, dont chacun parle tous les jours, à sa manière, dans son coin. Mais ces appréciations des uns et des autres sont à l'heure actuelle atomisées, individualisées, sans lieu de regroupement. Aussi, si les chômeurs ont su créer des mouvements de réunion, ceux qui, chômeurs, salariés, du privé, du public, veulent faire évoluer, pour le meilleur, les administrations, ont la même charge ensemble : créer un ou des espaces de réunion afin que les idées et les énergies atomisées aient une chance de faire aboutir la rénovation à laquelle tous pensent… Cette presque lapalissade apparaît encore comme un songe. Pourquoi ? parce qu'il n'est pas si sûr que les citoyens, si souvent protestataires, aient la volonté de travailler à penser cette réforme. Or c'est seulement en pensant sérieusement cette réforme qu'elle pourra exister. La question est : la réforme des administrations intéresse-t-elle vraiment les Français ou attendent-ils, encore une fois, que d'autres fassent le travail pour eux ?

 

 

 

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