Les cafés de Nice
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Paru dans l'Incendiaire n°8,
juin 1998
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Voici quelques informations concernant les débats philosophiques que j'ai le plaisir d'animer à Nice : Les Lieux : - depuis septembre 97 : au Pub-Restaurant "l'Authentic", 18 bis rue Biscarra 06000 Nice, - depuis février 98 : au "Resto-Club" de la Tour Gorbella, boulevard Gorbella 06100 Nice, - en projet : à partir du 27 février 98 : au "Délices Café", 39 avenue Jean Medecin, 06000 Nice. L'animatrice : Eve DEPARDIEU, 48 ans, mariée, un enfant (âgé
de 18 ans) Profession : Pendant quinze ans, Animatrice de stages de formation pour
adultes, formatrice en techniques d'expression et de communication écrite
et orale. Le contact avec le mouvement des Cafés-Philo a eu lieu en juin 96, par l'intermédiaire d'un professeur de philosophie qui animait des discussions dans un Café situé dans mon quartier: je lui ai proposé de la seconder, puis j'ai rapidement effectué quelques remplacements, pour, finalement, assurer seule les animations. Le public de l'Authentic et du Resto-Club est composé d'adultes âgés environ de 35 à 75 ans. Celui du Délices Café devrait être plus jeune. Les groupes varient entre 8 et 40 personnes, avec une moyenne de 12 à 15 personnes, à peu prés autant de femmes que d'hommes, d'horizon assez divers, avec une majorité travaillant dans le tertiaire (services sociaux, enseignement, bureaux, banques), très peu d'ouvriers, artisans ou commerçants, peu de cadres supérieurs, quelques étudiants et des retraités. Les débats se déroulent soit dans une salle, à l'étage, au dessus de la brasserie, soit dans la salle de restaurant (Resto-Philo au Resto-Club: discussion autour d'un buffet froid), soit dans le Café lui-même. L'utilisation d'un micro n'est pas nécessaire, les sujets traités (cf. liste ci-jointe) sont, une fois sur deux, choisis par le public le soir même. Quand le thème est déterminé à l'avance j'introduis le sujet pendant une quinzaine de minute, et lance la discussion. Le débat dure une heure trente à deux heures. La parole est demandée en levant la main et donnée dans
l'ordre des demandes, en essayant d'éviter les interruptions sauvages.
Le temps de parole n'est pas vraiment minuté, mais sera limité
lorsque l'intervention se transforme en monologue ou en dialogue. Je me
place toujours de façon à voir tout le monde et interviens
pour demander des éclaircissements, pour stopper les interruptions
des autres ("laissez le parler, laissez la finir"...), apporter
brièvement des références philosophiques (courants
de pensée, notion étudiée particulièrement
par tel philosophe, dans tel ou tel sens, avec telle évolution),
pour souligner les contradictions ou, au contraire les points de convergence,
pour recentrer le sujet en cas de digression, pour relancer lorsqu'il
y a des redites (les mêmes qui reprennent la parole pour redire
la même chose), pour calmer le jeu, introduire des nuances, faire
évoluer, si possible, les oppositions trop tranchées, enfin
pour arrêter la discussion quand la fatigue fait chuter l'attention
et surtout l'écoute (discussions en aparté), en amenant
une conclusion qui invite les participants à repenser au thème
et à approfondir leur réflexion. Au début de la réunion
suivante, une fiche de synthèse sur le thème traité
est mise à la disposition du public (ci-joint quelques exemples
de fiches). Le mouvement des Cafés-Philo est certainement plus qu'une mode: il répond à un besoin essentiellement urbain, à une attente d'un public en quête d'échanges intellectuels libres et conviviaux, dépourvus de snobisme, et opposés à toute propagande partisane, qui plus est gratuit et ouvert à tous, les seuls contraintes étant la date, l'heure, un effort de tolérance et un minimum de courtoisie....Il y a, très nettement, un besoin d'aller à la rencontre de la pensée des autres et de s'y frotter, ne serait-ce que pour vérifier que l'on n'est pas devenu un mouton de Panurge, réduit à l'état de consommateur, et que nos facultés intellectuelles sont toujours en éveil : il s'agit, simplement, de sortir de la routine, de prendre plaisir à se dégourdir l'esprit en parlant d'autre chose que de sexe et d'argent, de se redécouvrir de la sympathie intellectuelle ou même des amitiés, au delà des cloisonnements socioprofessionnels et de la tendance généralisée et déprimante à l'égocentrisme. Il y a, également, la volonté de certain gérants de cafés, brasseries et restaurants, d'apporter un plus à leurs établissements, en proposant cette animation pour attirer et fidéliser un public d'un profil nouveau, qui ne vient pas uniquement pour consommer. L'aspect purement commercial reste, en ce qui me concerne, très secondaire : j'anime ces discussions bénévolement, sur un simple contrat de confiance. Il est certain que ce mouvement ne pouvait pas passer inaperçu et laisser indifférents les universitaires sidérés de voir certains de leurs collègues se "dévergonder", descendre dans la rue, se mettre en vitrine, à la portée de n'importe quel public...Plus inquiétant pour eux : des cabinets de philosophie et des écoles de philosophie commencent à fleurir loin des lieux consacrés, ouverts à tous ceux qui sont prêts à payer les services d'un philosophe. Sans doute y aura-t-il, comme toujours, des abus commis par des profiteurs qui s'improviseront philosophes. les Maîtres diplômés en la matière ont raison de rester vigilants et de défendre leurs positions, car ils sont les garants de la qualité et du sérieux des travaux de recherche spécialisés dans toutes les branches de cette discipline, en restant au plus haut niveau. Mais cela ne doit pas empêcher l'accès de cette matière à un public qui en fait la demande, même si l'approche reste modeste et superficielle. D'un abord difficile et de longue haleine, la philosophie est sans doute restée trop longtemps la propriété d'un petit nombre d'intellectuels ayant le privilège de pouvoir rester d'éternels étudiants (professeurs chargés de recherches...) parce que dotés d'une grande vivacité d'esprit et d'une capacité de travail hors du commun. Mais aujourd'hui un public insatisfait, en manque d'esprit, n'ayant pas trouvé ce qu'il cherche dans les discours politiques, religieux, scientifiques, psychanalytiques, se retourne vers cette vieille discipline, si difficile et si hautaine, lui demandant de trouver un nouveau souffle et de se mettre à sa portée. Les philosophes sont interpellés : doivent-ils faire la sourde oreille, ou, au contraire, tenter l'aventure, saisir la balle au bond, au risque d'en prendre pour leur grade ?....Ne vaut-il pas mieux élargir l'accès à la réflexion philosophique, en invitant les esprits à rester actifs et en éveil, plutôt que de céder le terrain aux gourous, voyants, charlatans, fanatiques et manipulateurs de tous bords ? N'est-ce pas faire uvre d'utilité publique ?
Eve DEPARDIEU
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