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Lettre aux animateurs de cafés-philo

Par Jean-Christophe Grellety

 

Paru dans l'Incendiaire n°9, octobre 1998
3 pages



Résumé

Pas disponible

 

Sommaire rapide

 

Montreuil sous Bois, le 21 Août 1998

A l'attention de Madame Laure Aumasson,

Le 2 Mars dernier, Marc Sautet décède. Le " promoteur des cafés de Philosophie " meurt, sans avoir eu le temps d'ordonner ses affaires, ni d'exprimer clairement des vœux, des orientations à l'attention de ses amis et de ses connaissances. Il en est ainsi pour les débats de Philosophie dans les cafés. Avant et depuis, les membres de l'association " Philos ", implantés dans le Café des Phares où Marc initia cette pratique de la parole qui peut et doit devenir pensée, continuent sur leur lançée, et viennent même de consacrer le dernier numéro de la revue de l'association à Marc avec des contributions d'une majorité de membres de cette association, de l'éditorial du président (Pascal Hardy), soit 22 lignes, jusqu'à " la reconnaissance de dette (symbolique) (sic !) " par Gunther Goran. Et, à l'instar de l'état d'esprit général qui règne en France de nos jours où les faits les plus étonnants et les plus scandaleux ne semblent plus pouvoir être relevés par un peuple endormi, il semble que l'état des " cafés de Philosophie ", à commencer par celui du Café des Phares ne choque personne…

Et pourtant… ! Lorsque je suis venu en 1994 à Paris pour proposer à Marc Sautet de travailler à ses côtés pour le Cabinet de Philosophie, je suis venu, au Café des Phares, comme tant d'autres, pour écouter un philosophe. J'ai pu apprécier -dans la majorité de ces pseudo-débats, en fait monologues des orateurs tyranniques qui venaient et viennent encore au Café des Phares pour dire ce qu'ils ont à dire et non pas du tout pour dialoguer avec ces inconnus qu'ils y rencontrent- la parole ordonnée, pleine d'informations et de perspectives originales sur l'Histoire de la Civilisation Occidentale, la parole cohérente, suggestive d'idées, de Marc Sautet, et c'est à cause de l'existence et de la beauté de cette parole, de cette pensée philosophique qui devait trouver plus tard son expression dans " Un café pour Socrate " que j'ai travaillé à ses côtés. Déjà, de ce temps-là, je lui ai reproché son " libéralisme ", ce laisser-dire anarchique, qu'il acceptait au sein du Café des Phares, et notamment par le biais des membres de l'association Philos. Lorsque j'ai choisi d'arrêter de travailler à ses côtés, en 1996, parce qu'il me semblait que le projet était vicié, précisément eu égard à ce manque total d'ambition intellectuelle dans " l'animation " des débats, il n'a pas voulu encore entendre, car ces gens qui lui répétaient qu'ils étaient ces amis et qu'ils l'aimaient le convainquaient. Je suis resté longtemps stupéfait de voir un grand esprit charmé par les signes et non par les preuves ; en résumé la flatterie réussit, Marc se taisait -et aujourd'hui se tait définitivement.

Si je vous écris, c'est que vous êtes l'un des acteurs de l'aventure des " débats de Philosophie ". Vous ne pouvez être indifférents à ce que ce qui fut commençé ne prenne pas son envol, ni ne se termine bientôt. Or, si l'envol de ces lieux de réunion n'est pas la somme croissante de ces mêmes lieux mais la réussite des débats en question, si la disparition de ces mêmes débats n'est pas une fiction impossible, il est nécessaire que l'ambition, incarnée par Marc Sautet, philosophe, par la durée d'un essai de dialogues de 2 heures, soit retrouvée et notamment au Café des Phares. Or, comment cette ambition pourrait-elle reprendre vie avec les " animateurs ", nos chers gentils animateurs du Club Phares, alors qu'ils ne sont pas "philosophes " ? Car, depuis le commencement de cette aventure des Cafés de Philosophie, il est une démagogie que certains ont eu intérêts à répandre : nous pouvons tous être philosophes, même nous sommes tous philosophes… Pourtant, je dois dire à l'attention de ces démagogues que si j'avais découvert le " débat de Philosophie " par leur entremise, je n'aurais jamais souhaité engager un travail à leurs côtés -comment aurais-je pu y songer puisqu'ils n'ont rien à dire ? Car il y a une différence entre un philosophe et un piètre imitateur : c'est que le premier se caractérise par un discours personnel et par une capacité observable à mener des échanges, féconds… Or aucunes de ces caractéristiques n'est, à mon avis, observable dans le triumverat des gérants du " débat de Philosophie " du Café des Phares. Il est vrai que chacun peut changer, et passer de l'ordinaire à l'extraordinaire, au rare. Si ces chrysalides se sont mués en papillons, qu'ils le démontrent, à côté, ailleurs, indépendamment du Café des Phares. Sinon, je leur demande de cesser d'occuper ce lieu et de le laisser libre pour de véritables débats de Philosophie. En effet, je propose que le Café des Phares, lieu originel de ce mouvement, soit réservé à des débats avec de vrais philosophes -organisation qui demande, il est vrai, une préparation puisqu'il faudra établir un programme…

Si Messieurs Hardy, Gorhan et Ramirez devaient, par eux-mêmes et par leurs amis, refuser une telle rénovation du Café des Phares, je demande à Pascal Ranger, patron du Café des Phares, de mettre bon ordre à cette appropriation sectaire du Café par les membres de l'association Philos et s'il devait refuser pour une raison ou pour une autre cette libération du Café, je vous invite à dénonçer auprès des personnes qui viennent vous écouter dans votre Café le sectarisme de l'association Philos et l'incompétence de ces représentants.

Quoiqu'il en soit de ce qui se passe ou ne ne passe pas dans les semaines à venir au Café des Phares, je vous invite à créer une association qui, sur l'objet de " développer la Philosophie en ville (sic !) " qui définit le statut de l'association Philos, puisse travailler à constituer des lieux de réflexion ouverts et féconds, à rénover la pratique des débats de Philosophie de manière à ce que les personnes qui viennent à ces débats commençent le travail de pensée que les " philosophes " ont été les premiers à faire, seulement les premiers… Ou bien encore l'association poitevine, éditrice de l'Incendiaire, si elle définit des objectifs de valeur et améliore substantiellement sa revue, pourrait être la base de cette rénovation.

Pour conclure, je veux revenir sur les quelques étonnements que cette lettre n'aura pas manqué de susciter en vous.


" Qui " suis-je ? : si j'ai observé une réserve, depuis que j'ai cessé de travailler avec Marc (j'ai travaillé à ses côtés de septembre 1994 à septembre 1996) et depuis son décès, c'est que j'attendais des initiatives prometteuses, de sa part, puis des membres de l'association Philos, et que je n'ai rien vu ; que j'attendais des initiatives parce qu'il me paraît que " l'aventure des cafés philos " n'est pas, artisanalement parlant, finie ; que je voulais observer si des rapports de force allaient se mettre en place et au profit de qui. Et ce que je craignais est en train de se réaliser : les sophistes, ces experts de l'imitation intellectuelle, sont en train de récupérer le mouvement à leur profit, depuis le Café des Phares, en passant par " Le Vilain Petit Canard ", dirigée par M. François Bierre, alias Oscar Brénifier, jusqu'à la presse à grand tirage qui, comme avec " Le Point " tente de récupérer l'intérêt pour la pensée philosophique par des gros titres, genre " Nietzsche par Luc Ferry " qui, tout seul, décide que Nietzsche est un grand philosophe, ce qui, vous le reconnaîtrez avec moi, est un préjugé (ne sommes-nous pas là, si nous faisons des " débats de Philosophie " pour examiner les préjugés ?).

" Pourquoi " une telle lettre, un tel propos ? C'est que, lorsque j'ai commençé des études de Philosophie en 1987 -époque où " la Philosophie " n'était pas à la mode-, à Bordeaux, je suis venu à celles-ci par la lecture de Platon, si extraordinaire ; et que depuis cette lecture, j'ai pu vérifier la pertinence de sa mise en garde contre les sophistes qui pullulent. Aujourd'hui, les sophistes menace le projet spirituel des " cafés de Philosophie ". Pour ceux qui sont philosophes, la vigilance ne suffit pas, mais, comme Socrate, il faut marcher contre eux pour les démasquer.

J'espère que vous pourrez être de cette résistance et en attendant de recevoir votre réponse ou vos messages, je vous adresse mon salut amical.


P.S : pour ceux pour lesquels ce courrier a sa pertinence aujourd'hui, je vous propose d'en faciliter la lecture auprès des personnes qui viennent dans le café où vous animez ce débat de Philosophie.

 

 

 

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