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Café le Général Hoche
Angle de l'avenue Jean Lolive
et de la rue Hoche
Métro Hoche
La méthode du café-philo de Pantin est de préparer
les prochains débats
La question au menu de notre café philo du 13 juin, " Où
est l'art ? " n'avait pas l'air d'une question philosophique.
Après tout, il suffit d'un simple complément de lieu pour
y répondre : l'art est dans les musées, sur les parois de
Lascaux, dans la rue, dans le coeur de l'artiste, dans les mains des enfants,
en chacun de nous lorsqu'il tente de repousser les limites de son époque,
etc.. Mais déjà, ces premières réponses ont
offert un tremplin vers des réflexions tous azimuts. En deux heures
et une quarantaine d'interventions, avec des moments de franche gaieté,
de gravité, d'émotion et d'étonnement, on a largement
balayé le terrain des questions concernant l'art.
En voici un petit échantillon : Comment définir l'art, cette
définition est-elle universelle ou propre à un temps et
un lieu ? A-t-il une fonction ou est-il une fonction ? Obéit-il
à une nécessité ? Le XXe siècle a émancipé
l'art de l'artisanat et des académies, il a affirmé sa valeur
de provocation, il l'a diffusé par tous les moyens de reproduction
mécanique, mais peut-on encore parler d'art ? Quel rapport l'art
entretient-il avec le sacré, l'universel, l'émotion, le
(bon ou mauvais) goût, le travail bien fait, le marché, l'argent,
le public, les enfants, les femmes, le peuple, les musées, la morale,
la citoyenneté et la recherche de la vérité ? Certaines
réponses sont venues au travers de chansons (en français
et en peul), de gags (" Au Niger, on aime aussi la Vénus de
Mil Haut et nous l'invoquons contre la sécheresse "), de calembours
(l'art est-il cap-tif ? oui quand il se retrouve sur les murs des salons
de coiffure) ou d'aphorismes (" Quand le pâtissier fait l'artiste,
l'artiste fait tapisserie ").
Comme à chaque séance, le débat était précédé
de brefs exposés liminaires. Le premier a parcouru à grandes
enjambées l'histoire de la philosophie d'Aristote à Nietzsche.
Le second invitait à remonter aux origines : pourquoi l'homme a-t-il
produit simultanément ses premiers outils et ses premières
oeuvres d'art ? Faut-il voir l'art comme un produit ou comme un moteur
de l'évolution humaine ? Le troisième mettait les pieds
dans le plat : l'art est-il dans les objets d'art ou ceux-ci n'en sont-ils
qu'une trace plus ou moins heureuse ? Qui fait l'expérience de
l'art ? Où ? L'art " contemporain " n'est-il pas un moyen
de le reléguer dans un placard ?
Quelques tendances se sont dessinées dans la réponse à
la question initiale. Aux extrêmes, on rencontre ceux qui pensent
que l'art est d'abord dans les chefs d'uvre des musées et
à l'autre bout, ceux qui affirment qu'il peut surgir en chacun
de nous, pour peu que nous nous révoltions. Position médiane
: certains refusent le spontanéisme intégral en rappelant
la nécessité de l'apprentissage " mais il faut garder
au centre le jaillissement ". Un autre sujet qui a suscité
de beaux échanges, c'est le rapport de l'art avec le sacré.
Longtemps l'art a entretenu des rapports très intimes avec la religion,
de la stèle érigée en l'honneur des dieux à
l'artiste inspiré par les muses. Ce n'est, semble-t-il plus le
cas aujourd'hui. Mais le sacré est-il lié au sujet de l'uvre
(une toile à sujet religieux par exemple) ou au regard qu'on porte
sur elle, à la communion avec les valeurs universelles qu'elle
suscite ? D'ailleurs, faut-il absolument sacraliser l'art ? Après
tout, qu'y a-t-il de sacrilège à utiliser dans un spot de
publicité le Requiem de Mozart ?
La coupe du monde, pourtant présente sur un lointain écran
de télévision, était presque oubliée. Dans
la salle, le match était plus passionnant. Et, comme c'est souvent
le cas au café philo, au score, les questions l'ont largement emporté
sur les réponses.
Anne Brunswic
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