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Suite à une petite escarmouche lors d'un débat de juin
dernier sur " le progrès conduit-il à la paix "
je voudrais réagir face à l'idée émise par
certains de la violence naturelle de l'homme.
Admettons donc la violence comme naturelle ; certains hommes sont violents,
d'autres moins, d'autres pas. Va-t-on l'expliquer par le patrimoine génétique
? " Moi j'ai un gène de 70 % de violence ! ", ou va-t-on
en appeler à la " civilisation " de l'homme par la société
? Nous sommes violents naturellement et c'est notre couche de social,
de self-control qui nous rend moins violents. On fait alors au sein de
la société une différence entre les civilisés
(nous bien sûr !) et les " primaires " (eux bien sûr
!), proches de leurs corps, de leurs pulsions. Par manque d'éducation.
Comme si nous, les " civilisés " n'étions pas
capables de violences, de réagir comme le font des milliers de
violents. Nous leur sommes identiques : considérez que vous n'avez
pas d'avenir, et donc rien à foutre des codes d'une société
qui vous ignore, vous êtes chômeurs de longue durée,
" de trop " en somme comme le répète A. Jacquard*.
Comment réagissez vous ? En tendant l'autre joue ? En restant zen
? Ça vous pouvez mais en vous shootant. Mais suis-je bête
! Le fait que nous sommes tous capables de violence prouve bien que l'homme
est naturellement violent. Et la preuve irréfutable est que cela
dure depuis des siècles. Enfer et damnation ! C'est le fardeau
humain : toujours et encore contrôler ses pulsions violentes, ne
jamais se reposer. Il nous faut vivre en société et pour
cela oublier notre propension naturelle à casser la gueule de son
prochain.
Que pouvons nous faire face à cette violence sourde et aveugle
? Que dalle, elle est ancrée dans nos gènes, n'est-ce pas
? C'est pourquoi les recherches scientifiques dans le domaine génétique
ont tant d'importance aujourd'hui : nous saurons qui sera violent ou pas
et ça facilitera le contrôle, la " ghettoïsation
".
Alors vu qu'on ne peut la faire disparaître, et que les individus
primaires ne la contrôlent pas, il faut la faire taire chez eux.
Voyons
comment faire ? Vu qu'on ne peut les aider socialement :
plus vous leur donnez de fric, plus ils le gaspillent (on se demande bien
pourquoi d'ailleurs avec toutes ces gentilles pubs qu'on voit partout
et qui poussent pas à la consommation sans retenue), il vaut mieux
les laisser dans leur coin
et leur taper sur la gueule dès
qu'ils font chier l'honnête citoyen. Et après ? On leur tape
dessus jusqu'à ce qu'ils disparaissent ? Jusqu'à ce qu'ils
comprennent ?. C'est à dire qu'ils fassent la relation entre leur
comportement et la matraque, comme un gamin qui se prend une baffe pour
avoir traversé la route sans regarder, en somme d'accepter leur
sort de merde en regardant vivre les riches, les honnêtes. Ou alors
il faut les laisser crever dans leur coin, proprement (c'est à
dire en évitant de les regarder, surtout avec l'il de la
caméra de télé), sans violence, en leur coupant les
vivres. C'est une bonne solution. Elle est née dans l'honnête
cerveau d'un gentil monsieur du RPR. Sélection naturelle à
la Darwin : les pauvres sont ceux qui ne peuvent s'en sortir dans notre
société. S'ils n'en sont pas capables, c'est qu'ils ne sont
pas adaptés. Donc il faudrait les empêcher de procréer
pour éviter qu'ils propagent leurs gènes de pauvres. Et
pour ça il vaut mieux couper toutes les aides et les reverser aux
familles aisées qui, elles, savent faire quelque chose de cet argent.
Mais quel est le rapport entre le violent et le pauvre ? Et bien le violent
est pauvre. Il ne sait pas s'intégrer. Surtout ne pas dire, n'est-ce
pas, que le pauvre est violent parce que c'est alors donner une explication
à la violence or la violence est naturelle, spontanée. Combien
de fois faudra-t-il le répéter ? L'homme aisé, honnête,
est civilisé lui. Il ne tape pas sur la gueule à tout le
monde, lui. Bon, généralement quand il a une gentille entreprise,
il se fait du blé sur le dos de milliers de pauvres, c'est à
dire de violents. Mais ce n'est pas un acte de violence, c'est normal.
Ils n'ont que ce qu'ils méritent. Chacun n'a que ce qu'il mérite.
Ce doit être dans un ordre naturel ça aussi puisque personne
ne tente de le changer. Ça fait des milliers d'années qu'il
y a des grands qui exploitent des petits, qui amassent des richesses en
appauvrissant les pauvres**. Et ça fait depuis aussi longtemps
que les hommes sont violents. Mais il n'y a absolument aucun rapport entre
ces deux propositions puisque la violence est née avec l'homme.
Il a bien fallu qu'il survive, qu'il se défende, qu'il s'impose
le bipède sans poil. Et par la violence. Mais qu'est-ce qui continue
à justifier cette violence dans un état social ? Nous ne
sommes pas ennemis les uns des autres, nous n'avons plus à nous
défendre ou à attaquer pour survivre. L'explication ne peut
donc être que dans la nature de l'homme, donc dans la structure
oppressive d'une société qui trouve son équilibre
dans l'appauvrissement des uns par les autres, dans une déshumanisation
au profit de l'argent, dans une mise en compétition perpétuelle
de chacun par rapport à son prochain. L'homme entretient sa violence
naturelle en construisant une société à son image,
un milieu où il peut être complètement lui : oppresseur
violent et oppressé violent. " La ville est une jungle "
comme dit J. Moucherot*** et l'homme un animal tributaire de ses gènes.
Et moi qui pensais que nous n'avions pas à être victime de
la violence, non pas de celle des autres mais de celle de tous et donc
de la nôtre. Moi qui pensais que l'homme était un être
de culture et non de nature, me voici soudain libéré. J'avais
de lourdes responsabilités puisque j'étais à la source
de ma violence, qu'elle venait de ma culture, de mon expérience,
de ma vie. J'en suis dégagé maintenant puisque le mal est
fondamentalement en moi. Je ne peux que lui résister et je suis
comme tout homme un être bien faible. Et je vis dans une société
qui me plaît car elle me permet de me défouler. Merci !
*J'accuse l'économie triomphante, A. Jacquard, éd. Jemen
Rapelplu.
**Cette exploitation est poussée à son paroxysme dans, entre
autres, Les aventures de John Difool avant l'Incal, sur un scénario
de Jodorowsky et des dessins de Janjetov (6 tomes). Avertissement : c'est
une BD.
***personnage d'une BD de BOUCQ
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