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- La personne qui a proposé le sujet s'est expliquée.
C'est une question qu'on doit se poser lorsqu'on travaille et même
lorsqu'on est chômeur. Le travail est une activité rémunérée
en fonction de ce qu'on peut apporter. La question porte donc d'abord
sur le salariat et il semble que lorsqu'on est salarié, on n'est
pas libre. D'un autre côté le travail nous donne des revenus
qui nous permettent de vivre.
- Il faudrait s'interroger sur la liberté, qu'est-ce qu'on entend
par être libre ?
- Le travail, parce qu'il permet d'obtenir une autonomie, permet d'agir,
de vivre.
- C'est une liberté de faire et d'agir mais est-ce que c'est réellement
ça être libre ?
- On parle de liberté matérielle mais est-ce que c'est suffisant
?
- Le travail nous aliène beaucoup plus qu'il nous libère.
- C'est sur le fronton du camp d'Auschwitz qu'il y avait écrit
"le travail rend libre". Y a-t-il une signification à
ce cynisme ?
- C'était une théorie d'Hitler, non ? C'est au niveau du
peuple qu'il disait cela, le peuple doit gagner sa liberté en travaillant.
- N'était-ce pas une escroquerie ? C'est cynique mais cela va aussi
au-delà du cynisme, derrière il y a là une bonne
image du capitalisme poussé à l'extrême. Cela montre
que pour le capitalisme le travail est une aliénation sans échappatoire
qui va jusqu'à la mort. Auschwitz illustre ce qu'est le capitalisme,
l'exploitation de l'homme par le travail.
- Mais dans quel but cette phrase a-t-elle été écrite
sur le fronton d'un camp de concentration ?
- Est-ce que ce sont les nazis qui ont écrit ça ou n'est-ce
pas parce que Auschwitz est une ancienne fabrique ?
- N'est-ce pas plutôt parce qu'avant d'être des camps de concentration
c'étaient des camps de travail ?
- On retrouve avec Luther ou avec Hegel que le travail est un moyen pour
se réaliser, il nous confère une dignité.
- Chez les grecs c'est le contraire.
- Chez Marx le travail est une définition de l'humanité.
C'est ce qui caractérise l'homme par rapport aux animaux "
l'homme est un animal qui fabrique des outils ". Le travail c'est
ce qui rend l'homme humain, mais est-ce que ça le rend libre ?
- Ce n'est pas le travail lui-même mais c'est le contexte qui est
aliénant. Le travail est inhérent à l'homme mais
ce qui est aliénant c'est que l'homme travaille toujours plus et
il ne peut plus penser.
- Du moment où il ne se réalise pas dans son travail il
est forcément aliéné, s'il s'y réalise il
est libre.
- Ceux qui sont soumis aux travaux forcés ne sont pas libres.
- C'est ce que je dis, lorsqu'on est soumis aux travaux forcés
on n'est pas libre.
- Il faudrait donner la définition du travail.
- La notion " se réaliser " est trop subjective, je vais
me réaliser et d'autres non.
- Ne se réalise-t-on pas plus en ne foutant rien ? En faisant ce
qui nous plaît ?
- On peut se réaliser dans un travail bénévole.
- Le problème c'est qu'on associe travail à argent. Le travail
nous permet de gagner de l'argent mais le travail c'est beaucoup plus
vaste. Dans notre société on a besoin de l'argent que nous
rapporte notre travail, on est obligé de travailler et donc on
n'est pas libre.
- Le travail n'est plus seulement un moyen aujourd'hui. Il donne une certaine
liberté c'est en cela qu'il est un moyen mais il est aussi une
fin, il y a des personnes qui ne vivent que pour travailler et qui n'ont
pas de vie, elles s'oublient complètement et ne sont pas libres.
- Le travail est un moyen qu'a trouvé l'État pour asservir
les hommes et pour leur donner l'illusion de la liberté, l'argent
est-ce vraiment la liberté ?
- Qui le travail rend-il libre, soi ou les autres ?
- A qui profite le travail que l'on fait ? Notre travail ne nous rend
peut-être pas libre mais il permet à d'autres de l'être.
- Mais on en revient toujours au même car être libre c'est
avoir de l'argent pour agir comme on veut. Pourtant la liberté
n'est-ce vraiment que cela ?
- Il y a des mots comme ça qui sont hypnotiques et cela nous conduit
à des impasses. Toutes les dissertations sur la liberté
conduisent à des apories car la liberté se caractérise
par ce qui n'est pas liberté. On en reste souvent à des
abstractions. Ce qui est réel dans la vie c'est qu'on a toujours
à faire des choses en vue de produire. Si on se polarise sur la
liberté dans la question posée ça va nous poser des
problèmes. Il faut s'appuyer sur la notion de travail. Or il n'y
a pas un travail mais des travaux. Il faut abstraire et donc se pencher
sur les travaux. Les travaux rendent-ils libres ? Et s'il y a des travaux
qui rendent libres quels sont-ils ? Travailler à la mine en Afrique
du sud ne rend pas libre car ça prend énormément
de temps et de force et en plus c'est dangereux. En dehors de ce genre
de travaux qui ne sont pas vraiment des travaux, car travailler c'est
produire et non pas seulement ramasser, il y a des travaux qui permettent
de gagner du temps pour être libre, par exemple jouer en bourse,
on gagne beaucoup d'argent pour avoir du temps libre.
- Jusqu'à maintenant on parlait de la liberté donnée
par le travail à l'extérieur du travail. Ce que tu viens
de dire en parle aussi mais recentre la question sur la liberté
à l'intérieur du travail et surtout obscurcie les choses
sur la nature du travail. Comment peut-on dire que travailler à
la mine n'est pas du travail et surtout jouer à la bourse est-ce
vraiment du travail ?
- En reprenant la bourse, si c'était un travail qui était
la clef de la liberté, tout le monde jouerait en bourse. Or il
y a des gens qui travaillent à la mine. Dans la notion de travail
il y a des contraintes horaires, hiérarchiques, salariales. Ces
contraintes ne sont pas abstraites. Le travail c'est avoir de l'argent
en contrepartie de son travail, ce n'est pas abstrait.
- Ce n'est pas ce que je disais lorsque j'ai parlé d'abstraction.
Le danger, pour la question du sujet, c'est de l'aborder dans l'abstrait
c'est-à-dire en général et d'une manière vague.
Il faut prendre la chose dans le concret. Pour ceux qui travaillent, leur
travail leur permet de générer un capital pour être
libre c'est-à-dire faire ce que l'on veut à l'extérieur
du travail, avoir du temps libre. Celui qui joue en bourse travaille mieux,
il est plus efficace car il gagne beaucoup d'argent et donc il a plus
de temps libre. Il vaut mieux jouer en bourse que travailler à
la mine mais tous ne pensent qu'à une chose "ne pas travailler".
- Je ne suis pas d'accord. Les chômeurs veulent travailler. Le travail
donne de l'argent, du temps libre. Mais au niveau du travail même
il peut y avoir de la liberté surtout dans les travaux qui demandent
la pensée et la réflexion, par exemple tous les travaux
de recherche, les travailleurs sociaux, etc.
- Est-ce la majorité qui travaille dans ces domaines ?
- Non bien sûr, mais si on recherche la liberté dans son
travail, ces travaux sont adoptés majoritairement.
- S'il faut travailler 11 mois pour dire : "je suis libre le 12ème",
c'est mince comme liberté ! c'est seulement consommer et la liberté
n'est-ce vraiment que cela ?
- Dans notre société on s'imagine tous comme libres or travailler
c'est ne pas l'être, on dépend de son patron etc... On n'est
pas libre et le travail c'est peut-être le seul moyen qu'on a trouvé
pour nous le faire croire.
- Il y a deux sortes de travail : le travail avilissant qui ne sert qu'à
amasser de l'argent pour être libre en dehors de ce travail, et
le travail qui exige autre chose que l'argent, c'est-à-dire être
reconnu ou créer quelque chose par exemple des bâtiments
ou des idées. C'est ce qui fait qu'on choisi un travail plutôt
qu'un autre, on choisi un travail qui va nous apporter quelque chose.
- Le travail dans ce qu'on a dit nous rend libre en dehors du travail
en nous donnant de l'argent mais on ne se sent pas libre lorsqu'on est
en train de travailler. Pourtant le travail c'est produire, transformer
les choses, ajouter de la valeur à la matière brute, n'est-ce
pas ce qui est gratifiant ?
- A ce moment-là pourquoi travailler ? Et si travailler c'est produire,
pourquoi produire ?
- Pour satisfaire ses besoins mais aussi parce que ça fait plaisir.
Lorsqu'on est joyeux de produire c'est gratifiant.
- Il n'y a pas beaucoup de chômeurs qui disent "chouette, je
suis chômeur".
- Moi si je travaille ce n'est ni parce que ça me fait plaisir
ni parce que c'est gratifiant mais c'est à cause de l'argent.
- C'est l'impératif alimentaire.
- Le travail est donc l'opium du peuple.
- Le travail même aliénant donne une identité sociale
malgré tout, on a sa place, on est reconnu.
- C'est assez paradoxal car d'un côté le travail est très
contraignant mais on peut aussi s'y retrouver. Le travail permet de vivre
et d'avoir des échanges avec les autres.
- On ne prend appui que sur la situation actuelle. On ne prend en considération
que l'argent qui permet de dégager du temps pour soi. Un chômeur
a du temps et pas d'argent et sans argent ce n'est pas intéressant
car on ne peut pas consommer c'est-à-dire user de choses utiles.
Notre vie se situe bien par rapport à la consommation (comme la
consommation divine de l'hostie à la messe). La consommation est
au cur même de notre existence. La société de
consommation est méprisée mais c'est un point de vue abstrait
car ce qui est motivant c'est d'avoir du plaisir et plus on a d'argent,
plus on peut avoir du plaisir. S'il y a une loi c'est l'argent et le problème
c'est que le travail que l'on fait n'est pas toujours un ouvrage comme
peut l'être le travail de l'architecte par exemple. Il y a des travaux
quelconques, sans intérêt pour soi car ils sont aliénants.
Ils n'apportent rien, sont fatiguants et mal payés. Il y a des
travaux sans travail pour soi.
- Donc finalement tu dis que consommer pour manger ou pour lire ça
revient au même car ça nous constitue. J'aimerais qu'on me
donne le prix des concepts. On consomme ce qu'on estime être le
meilleur pour soi, mais si je m'attache à des lectures est-ce que
je peux savoir ce qui est bien pour moi ?
- Si j'ai bien compris, tu fais la différence entre biens matériels
et biens intellectuels et tu dis qu'on ne consomme pas les biens intellectuels.
- Je veux dire qu'on sait ce que nous apporte la nourriture mais pas ce
que nous apporte ce qu'on lit.
- Au niveau de la consommation, on consomme des biens matériels
mais la liberté passe-t-elle par la consommation ? D'autre part
j'ai l'impression que tu dis que ceux qui font un travail aliéné
ne travaillent pas vraiment et ceux qui font un travail plus "élevé"
travaillent réellement.
- Le travail existe-t-il pour une personne qui est passionnée par
lui ou seulement pour quelqu'un qui subit ?
- La notion de plaisir, de passion ne peut pas occulter le travail.
- Quelqu'un qui est motivé par son travail n'a pas l'impression
de travailler. Ce "travail" n'est pas aliénant car ce
n'est pas considéré comme du travail.
- Mais après avoir travaillé un certain temps on n'est plus
passionné. Après quelques années on se rend compte
qu'il s'agit vraiment de travail.
- Lorsqu'on fait un travail intellectuel (professeurs, intellectuels,
philosophes...) on n'a pas l'impression de travailler.
- Pour en revenir à la consommation, on est dans une société
de consommation mais on ne consomme pas pareil un spectacle ou une bière.
D'autre part certains sont exclus de cette société de consommation,
pourquoi sont-ils exclus ?
- Mais est-ce que consommer c'est être libre ?
- Est-ce que le travail nous rendrait libre s'il n'y avait pas d'argent
?
- Il y a deux sortes de travaux : d'un côté c'est quelque
chose où je suis en action et je produis, d'un autre le travail
peut être création d'expression, ce dernier peut être
de la liberté. Travailler c'est faire quelque chose, avoir une
activité.
- Le travail est aussi une identité sociale. Le rentier qui ne
travaille pas a aussi cette identité.
- Un rentier travaille-t-il ? Ce qui est important c'est qu'il a l'impression
de travailler alors qu'il ne travaille pas. Travailler c'est une activité
de transformation, de production de valeur. Dans notre société
ces travaux sont le plus souvent aliénés. Donc il n'y a
que les travaux aliénés qui sont du travail et personne
ne veut faire cela. Par contre tout le monde veut être cadre ou
avoir un travail intellectuel (professeur par exemple) mais ce n'est pas
du travail car rien n'est transformé ni produit.
- Si, le professeur change l'intellect de ses élèves.
- C'est ce qu'il aimerait faire mais y arrive-t-il vraiment ? Il ne produit
rien, son activité consiste surtout à sélectionner.
D'autre part un élève travaille-t-il ?
- Il produit une connaissance...
- Il n'y a pas d'un côté des gens qui travaillent et d'un
autre des gens qui ne travaillent pas, il n'y a pas de coupure entre travail
manuel et travail intellectuel. Tout travail peut produire du sens pour
moi, pour la société. Je parlerais plutôt d'activité.
Je pense qu'il n'y a pas de manuels, il n'y a que des intellectuels qui
sont plus ou moins manuels.
- C'est peut-être ce qui devrait être mais est-ce vraiment
ce qui est ? La coupure entre travail manuel et travail intellectuel est
une réalité dans notre société.
- On dit que les élèves ne travaillent pas car ils n'ont
pas de salaire.
- La production de valeur ce n'est pas le salaire. Quand on travaille
on produit de la valeur et cela n'a rien à voir avec le salaire
qui n'est qu'un petite partie de la valeur produite. Un élève
coûte de l'argent à la société, non seulement
il ne produit rien mais il coûte cher.
- "L'éducation d'un homme vaut mieux que tout son or",
on retirera de l'argent de l'éducation.
- Quand on forme un élève c'est un investissement car il
est sensé produire de la valeur après ses études,
lorsqu'il travaillera.
- Cela est valable dès l'enfance.
- Je voudrais prendre un exemple peut-être plus clair : un policier
travaille-t-il ?
- Un policier travaille car il apporte à tout le monde, il fait
le travail que les gens ne veulent pas faire qui est de s'auto-discipliner.
- Il est là pour l'ordre public.
- Dire que des gens travaillent d'autres non c'est étrange. L'étudiant
travaille car on attend de lui un retour plus tard. On ne permet pas aux
étudiants de se former pour leurs beaux yeux. On veut qu'ils rentrent
dans la vie active pour être productifs.
- Il ne travaillera que lorsqu'il sera dans la vie active donc il ne sera
plus étudiant. Un étudiant ne travaille pas.
- Du moment qu'il est à l'école il ne produit rien, mais
il produira.
- On donne quand même des bourses à l'étudiant.
- Les bourses sont une forme d'égalité.
- Pas vraiment car au bout d'un moment ça ne marche plus. Un fils
de bourgeois ira faire des études plus chères, par exemple
H.E.C. coûte 30 000 francs par an.
- Ceux qui sont libres ne travaillent pas et ceux qui travaillent ne sont
pas libres. Si on reprend l'exemple du système scolaire on voit
que tous les élèves veulent suivre des filières qui
pourraient leur permettre d'être cadres parce que c'est une activité
plus libre mais c'est un entonnoir, peu y arrivent et les autres seront
ouvriers c'est-à-dire ne seront pas libres. Or un cadre ne travaille
pas puisqu'il ne produit rien et un ouvrier travaille.
- Une société qui serait composée seulement de cadres
et de philosophes est une fiction car rien ne serait produit.
- Une société qui ne serait composée que de cadres
pourrait marcher si on leur donne de la nourriture, mais qui donne la
nourriture ? Il faut de tout pour tout le monde mais tous veulent tout
pour soi.
- La production dans notre société n'est pas de l'esclavage.
Le professeur forme c'est-à-dire produit d'une manière différente.
Le professeur produit un futur ouvrier qui produira. Il y a ici échange
et travail.
- Un cadre encadre et il est payé pour ça. Le cadre comme
l'ouvrier est salarié, il est soumis à des contraintes d'horaires,
il a des obligations de résultats et donc il travaille. Le travail
c'est quand l'individu rencontre des contraintes.
- Le travail n'est pas d'abord une contrainte. L'ouvrier travaille car
il produit de la valeur. Par son travail il ajoute quelque chose à
de la matière brute. Quelle valeur un cadre peut-il bien produire
? Quelle matière brute transforme-t-il ?
- L'ouvrier peut-il travailler sans cadre ?
- Le cadre comme le professeur et le policier ne travaille pas. Ils ont
une fonction répressive. Avec quoi paie-t-on leur activité
? Avec une partie de la valeur produite par l'ouvrier.
- Le cadre donne de la valeur au travail car il participe à l'organisation
de l'entreprise.
- Est-ce ce qui explique qu'il ait un salaire beaucoup plus élevé
?
- Ce n'est pas toujours vrai.
- Un chef d'orchestre ne joue pas la musique mais il est très utile.
- Le plus gros salaire est 2,5 millions de francs par mois, le plus bas
à peu près 5500 francs par mois, trouvez-vous normal que
quelqu'un gagne 450 fois plus que quelqu'un d'autre ?
- Et il s'agit de salaire et non pas de revenus, on a quand même
tous les mêmes besoins.
- Plus tu as d'argent, plus tu en veux, plus tu es libre et plus tu peux
influencer sur ton environnement. Celui qui gagne moins a moins de liberté.
- Si on dit que le travail rend libre parce qu'il permet d'avoir de l'argent,
pas grand monde n'est libre, beaucoup ne pourront jamais accéder
à cette liberté parce qu'il n'ont pas de travail ou que
leur travail est très mal payé. Pourquoi y a-t-il des exclus
?
- La stabilité d'une société est pervertie lorsque
quelqu'un qui est en haut de la pyramide préfère donner
du travail à son fils plutôt qu'à un autre.
- Tu ne fais que décrire l'injustice qui se passe actuellement.
Mais accepter l'accès de certains et pas des autres c'est principalement
accepter la hiérarchie et donc l'inégalité. Un ouvrier
peut travailler sans cadre, c'est l'existence de la hiérarchie
dans notre société qui nous fait penser le contraire, s'il
n'y avait pas de hiérarchie il n'y aurait pas besoin de cadres.
- Qui aura envie de faire des études plus longues pour gagner autant
qu'un ouvrier qui étudie moins longtemps ?
- Ce que tu présupposes en posant cette question c'est que l'activité
intellectuelle est plus pénible que le travail manuel, or ne dit-on
pas le contraire depuis tout à l'heure ? D'autre part ne peut-on
pas penser que certains prennent du plaisir à étudier ?
- Ce n'est pas que c'est pénible mais il faut plus de temps pour
y parvenir.
- Lorsqu'on étudie on vit le meilleur de sa vie. Je ne regretterai
pas d'avoir fait des études même si je deviens ouvrier.
- Moi je n'aurais pas envie de suivre des études longues pour gagner
comme ceux qui n'étudient pas.
- Dans une entreprise tu ne peux pas tout faire. Certains sont donc obligés
de faire des études plus poussées mais il n'y a pas de raison
qu'ils gagnent plus qu'un ouvrier. L'ouvrier produit mais ce produit n'est
rien pour lui.
- Mais plus tu travailles, plus tu peux progresser, plus tu peux avoir
de liberté.
- Mais si tu restes à l'intérieur de ton travail, sans parler
d'argent, l'ouvrier et le patron seront toujours aliénés
car le fruit de leur travail ne leur appartient pas.
- L'ouvrier est moins libre par rapport à l'étudiant ou
au chômeur car il est aliéné par son travail et il
gagne peu d'argent. L'étudiant peut faire ce qu'il veut (exemple
: sortir) l'ouvrier trop fatigué n'a pas le temps de faire ce qu'il
veut. Le manque de liberté vient du manque de temps.
- Quand on a du temps libre on peut faire ce qu'on veut.
- La liberté est-ce vraiment avoir de l'argent ? Car les pauvres
peuvent être libres et pas les riches. La liberté n'est-elle
pas plutôt être soi-même ?
- Comment être soi-même lorsqu'on a des obligations ? Quand
on est en train de travailler peut-on être soi-même ?
- Le travail est le moment où on s'appartient le moins. Dans certains
travaux on ne peut pas être libre car quand on rentre chez soi après
avoir fait pendant huit heures le même geste on est dénaturé,
on se perd soi-même, on n'a plus d'identité, on n'est qu'une
bête, on ne pense plus.
- On ne pense plus peut-être parce qu'on n'a jamais appris à
penser (exemple des enfants dans les mines).
- Pourquoi travaille-t-on, le travail est-il nécessaire à
l'homme ? Il y a travail pour acquérir, donc la nécessité
est celle de l'acquisition.
- Quel est le rapport entre le travail à la chaîne et le
bricolage ?
- Les gens peuvent par leurs relations s'entraider, échanger leurs
savoirs. Mais il faudrait faire un échange de même valeur.
- Qu'est-ce qui donne la valeur aux choses ? Pourquoi une voiture coûte-t-elle
beaucoup plus cher que cette table ? Il faut plus de temps pour fabriquer
une voiture, il y a beaucoup plus de travail incorporé en elle,
c'est ce qui lui confère sa valeur.
- Le travail est lié à la douleur et au déplaisir,
l'accouchement est du travail.
- Est-ce que la douleur peut rendre libre ?
- "Tu enfanteras dans la douleur" (Genèse) Avant on mettait
l'accent sur la douleur aujourd'hui on le met sur le désir de donner
la vie. Le désir de donner la vie domine la douleur.
- Aujourd'hui les nouvelles techniques cherchent à diminuer la
douleur.
- Dans le Genèse il y a aussi "Tu gagneras ton pain à
la sueur de ton front" ce travail pénible est réservé
à l'homme et a son équivalent dans l'accouchement de la
femme. Si dans l'accouchement le désir de donner la vie prime aujourd'hui
sur la douleur pourquoi dans le travail le désir de créer
ne primerait-il pas sur l'aspect pénible ?
- Le travail est le propre de l'homme mais aujourd'hui on n'arrive pas
à y échapper. Nous sommes englués dans la nécessité
du travail.
- ...
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