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- La personne qui a proposé le sujet s'est expliquée.
A l'heure actuelle on se tourne vers l'individualisme qui est une façon
de penser où on met en avant l'intérêt personnel.
Contrairement à cela le collectivisme c'est l'entraide.
- Pourquoi vit-on en société ? La société
peut-elle se faire en dépit de l'individualisme ? On peut remarquer
que le collectivisme se casse la gueule dans le monde entier.
- L'individualisme est-il seulement possible ? Ne va-t-il pas créer
des troubles et du désordre dans la société ?
- Est-il question du collectivisme ou du communautarisme ?
- Je pense que c'est l'opposition entre l'individu et la société
qui est ici en jeu. C'est en opposition avec les autres que l'homme se
fait.
- La nature de l'homme est-elle seulement individuelle ou est-ce de se
regrouper en société ? L'homme a besoin des autres pour
affronter le danger. Je pense qu'on s'individualise actuellement parce
que la technique permet de ne plus avoir besoin des autres comme avant
pour affronter le danger.
- L'individualisme est crée par certaines formes de sociétés,
la nôtre en particulier.
- A la place d'individualisme on pourrait dire [??].
- L'individualisme peut-il être opposé à communautarisme
? Car peut-on vraiment vivre seul ?
- C'est difficile de vivre avec les autres : l'enfer n'est-ce pas les
autres ?
- Ce qu'on peut remettre en question c'est l'individualisme en tant qu'état
d'esprit de certains. La société idéale serait qu'il
y ait partage.
- Au fond est-ce que vous n'identifiez pas individualisme et égoïsme
?
- Certainement, un individualiste ne se préoccupe que de son propre
intérêt, fait passer son propre intérêt avant
toute autre chose.
- Dans l'égoïsme ce n'est pas l'individu qui prime mais moi,
moi par rapport aux autres. L'individu c'est ce qui est indivisible, c'est
le dernier élément indécomposable sur lequel on peut
se baser. Dans l'individualisme ce n'est pas moi qui prime par rapport
aux autres, c'est l'individuel par rapport au collectif. Par exemple lorsqu'on
a fait une loi est-ce qu'on a pris en compte l'intérêt des
individus ou l'intérêt de la collectivité ?
- Pourtant l'individualiste n'est-il pas quelqu'un qui prend tout ce qui
s'offre à lui, qui ne s'intéresse pas aux autres ?
- Mais là tu le prends dans le sens : mon voisin ne me dit pas
bonjour, la société est de plus en plus individualiste.
Il faut distinguer individualisme et égoïsme, l'individualisme
c'est une conception où l'individu prime et non le moi personnel.
- Dans l'exemple que tu as pris sur la loi, je ne vois pas pourquoi l'intérêt
individuel serait en conflit avec l'intérêt général.
Quel est donc le but de la vie en société ?
- Pour moi c'est l'épanouissement de l'individu.
- Est-ce que l'épanouissement de l'individu est opposé à
l'épanouissement de la société ?
- Pas absolument. Mais dans notre société, nous ne sommes
pas en présence d'un égoïsme individuel mais d'un égoïsme
de classe, ce qui va à l'encontre de l'épanouissement de
l'individu et de la société.
- Pourquoi faire intervenir les classes sociales ? L'individualisme égoïste
est le résultat de l'amélioration technique et du confort.
Avant, on avait besoin du groupe pour le travail quotidien. Aujourd'hui
on peut se passer des autres pour s'acheter ce dont on a besoin.
- Faut-il prendre le sujet seulement dans l'opposition individu société
? L'opposition individualisme collectivisme n'implique-t-elle pas autre
chose ? Peut-être faudrait-il parler de la première opposition
et lorsqu'elle sera un peu éclaircie s'attacher à la seconde
? Je pense que l'opposition individu société se fonde sur
ce que Kant appelle "l'insociable sociabilité de l'homme".
L'homme est à la fois un être sociable et insociable, altruiste
et égoïste, et les lois de la société sont faites
à la fois pour favoriser son altruisme et empêcher son égoïsme.
- Sur le plan politique l'individualisme n'est-il pas plutôt une
avancée ? Car l'individualisme est apparu à partir du XVIIIè
siècle, avant l'individu n'était rien, un homme ne se définissait
pas en lui même mais par son appartenance à un groupe.
- Ne va-t-on pas alors être amené à le définir
par opposition au groupe ? Car pour en revenir à l'insociable sociabilité
de l'homme, je pense que cela ne veut pas dire grand'chose, surtout qu'on
va se polariser sur l'asociabilité en oubliant la sociabilité.
On va en revenir à l'individualisme défini comme égoïsme
naturel de l'homme.
- Au départ l'homme pense-t-il à lui ou à la société
qui le fera s'épanouir ?
- Quelle est la limite de l'individualisme ? Est-on obligé de passer
par la société ?
- Mais les rapports entre les hommes ne sont-ils que des rapports de concurrence
? Vous semblez présupposer que les seuls rapports sociaux sont
les rapports qui existent dans notre société. C'est très
malthusien, comme il n'y a pas assez de ressources pour tout le monde,
il y a une lutte entre les hommes pour pouvoir survivre. Mais est-ce vraiment
le cas ? Ne sommes-nous pas plutôt actuellement dans une phase de
surproduction ?
- Quand la précarité augmente le grégarisme augmente
aussi.
- Pour moi l'homme n'est pas comparable à un animal solitaire,
il est plus proche des abeilles ou des loups.
- La collectivité, la société, est-ce seulement l'ensemble
des individus qui la composent ou est-ce plus que cet ensemble ? Peut-on
penser qu'il existe pour les hommes une chose équivalente à
"l'esprit de la ruche" dont on a parlé pour les abeilles
?
- Peut-on vraiment considérer qu'une abeille est un individu ?
L'homme seul peut être individuel.
- Comment définir l'individu ?
- L'individu est unique.
- Dans ce cas là il n'y en a qu'un seul. On est individu parce
qu'on est reconnu individu par les autres.
- Suis-je un individu parce que j'occupe cette portion de l'espace à
cet instant précis ?
- C'est partiel car ce n'est qu'une définition physique comme tout
à l'heure nous avions une définition biologique. Un individu
est différent des autres mais s'enrichit auprès d'eux tout
en restant lui-même.
- Ce qui fonde mon individualité c'est mon égalité
avec les autres. L'homme est un individu quand affirme son existence.
C'est la liberté qui le définit en tant qu'individu.
- Ne peut-on pas définir la société comme un individu
?
- Une société est plus qu'un ensemble d'individus si elle
se rend compte d'elle même.
- La difficulté dans ce que vous dites c'est qu'un individu par
définition ne peut être décomposé. La société
ne peut pas être un individu car elle est composée d'individus.
- N'y a-t-il pas une conscience du groupe car ne parle-t-on pas de conscience
collective ?
- Mais si on dit que la société est un individu cela remet
en cause l'individualité des hommes particuliers, il n'y aura plus
la possibilité d'un individualisme.
- C'est parce que la société est un individu que la satisfaction
de certains individus est possible.
- Si le but est la satisfaction de certains individus ce n'est pas le
bien de la société qui est visé.
- Mais ce qui est de l'intérêt de la société
n'est-il pas de l'intérêt des individus ?
- Ce n'est pas si sûr car outre l'individu et la société,
il y a la communauté. N'y a-t-il pas une différence entre
la société et la communauté ?
- La différence entre la société et la communauté
c'est que la société a des dirigeants.
- N'est-ce pas plutôt l'échange, il y a échange à
l'intérieur de la société il n'y a pas d'échange
à l'intérieur d'une communauté.
- La communauté est figée, la société est
en devenir.
- Ne parle-t-on pas quand même de C.E.E., de communauté européenne
? Cette communauté n'a-t-elle pas des dirigeants ?
- C'est le terme "dirigeant" qui est mal utilisé. Les
dirigeants de la communauté européenne ne sont pas équivalents
aux dirigeants d'une société particulière.
- Dans la société les rapports entre individus sont plus
distants que dans la communauté. La communauté est un sous-ensemble
de la société, on parle de communauté religieuse
ou de communauté villageoise, cela suppose des liens plutôt
fraternels. Par contre ce qui fonde une société c'est avant
tout l'échange économique entre ses membres.
- Est-ce que c'est la société qui forme l'individu ou la
communauté ?
- Ce serait plutôt la communauté. N'est-ce pas ce que pensait
Sartre ? C'est le regard de l'autre qui me fait exister.
- Ne serait-ce pas plutôt qui me fait prendre conscience de mon
existence de manière négative ? Je fais un geste maladroit
et si je suis tout seul je l'assume entièrement. Par contre si
quelqu'un m'a vu, j'ai honte. Et j'ai honte parce que je reconnais que
je suis comme l'autre me vois. Le regard de l'autre fonde mon individualité.
- Le regard de l'autre ne me fait-il pas exister parce que j'oppose une
résistance ? On se pose en s'opposant.
- Ca c'est la dialectique hégelienne du maître et du serviteur,
Sartre ne semble avoir retenu que le premier moment.
- N'est-ce pas ça l'insociable sociabilité : on a besoin
de la société mais on a peur de perdre sa liberté.
- Ne faut-il pas penser à soi-même avant de penser aux autres
? Le but de la société est-il le même que celui de
l'individu ?
- Ne peut-on pas plutôt penser que la société étant
divisée en classes sociales, ce n'est ni l'intérêt
de l'individu ni l'intérêt de la société qui
est mis en avant mais l'intérêt de classe ?
- Quand il n'y a pas de conscience de classe, la classe n'existe pas.
- Les classes sont une classification arbitraire imposée de l'extérieur.
- Ne peut-on pas fonder la différence de classe ?
- C'est trop difficile, par exemple quelqu'un qui a une profession libérale
pourra être classé dans telle classe, et quelqu'un d'autre
qui a la même profession dans telle autre. Il y a seulement une
différence et une hiérarchie de salaires.
- Ce ne sont ni la profession ni le salaire qui fondent la classe mais
la place dans la production économique. Dans notre société
certains n'ont que leur force de travail qu'ils sont obligés de
vendre à ceux qui possèdent les moyens de production. On
peut donc distinguer au moins deux classes : ceux qui vendent leur force
de travail et ceux qui possèdent les moyens de production et qui
achètent la force de travail des autres. Pourquoi cela vous gêne-t-il
autant de diviser la société en classes et d'en parler ?
- Les individus d'une même classe ont une même culture.
- Le fait que tout le monde n'a pas les mêmes moyens saute aux yeux.
Par exemple pour les loisirs, pour sortir, certains peuvent se permettre
de dépenser énormément, pour ma part je ne peux que
dépenser très peu. Je ne me sens pas vraiment du même
monde.
- Le concept de classe est dépassé car il se basait sur
l'argent. Aujourd'hui tout le monde peut tout faire facilement même
s'il n'est pas Crésus.
- Les classes c'est un truc de dirigeants.
- Je ne pense pas que tout le monde peut tout faire facilement. C'est
quand même plus facile lorsqu'on gagne en un mois ce que les autres
gagnent en un an.
- Comment peut-on se priver d'un outil théorique aussi efficace
que les classes ? Les classes sont une réalité, et la division
de la société en deux classes est de plus en plus évidente.
D'un côté une classe très nombreuse qui ne possède
rien, et d'un autre une classe de moins en moins nombreuse qui possède
tout. Les autres classes sont de plus en plus paupérisées.
A vous entendre on a l'impression que les ouvriers n'existent plus.
- Les ouvriers existent toujours en tant qu'individus et non en tant que
classe sociale.
- La situation du chômeur est-elle plus enviable que celle du prolétaire
?
- Les classes n'existent plus car grâce à la communication
il y a une grande mobilité sociale, tout le monde est à
égalité dans la société.
- Au contraire, nous sommes dans une société qui est inégalitaire
et même de plus en plus inégalitaire, mais c'est peut-être
difficile de s'en rendre compte. Par exemple dans l'éducation nationale,
lorsque j'étais prof. au Lycée technique E. Branly à
Châtellerault, j'avais dans mes classes une très forte majorité
d'enfants d'ouvriers et lorsque j'ai été prof. au Lycée
d'enseignement général du Bois d'Amour à Poitiers
il y avait seulement une minorité d'enfants d'ouvriers. Dans l'ensemble
les enfants d'ouvriers seront à leur tour ouvriers (ou chômeurs),
il n'y a pas de mobilité sociale.
- N'est-ce pas parce qu'à Châtellerault il y a plus d'ouvriers
qu'à Poitiers ?
- A Châtellerault il y a aussi un Lycée équivalent
au Bois d'Amour ou mieux à Victor Hugo : Berthelot, où les
enfants d'ouvriers ne sont qu'en minorité. Si on nie l'existence
des classes c'est parce qu'il y a une lutte idéologique entre les
classes, les classes dominées ont adopté l'idéologie
de la classe dominante, cette idéologie qui nie l'existence et
la lutte des classes.
- La société actuelle serait-elle le terrain de la lutte
entre classes ?
- Qu'est-ce que notre société ?
- L'individu ne serait-il pas la plus petite société ?
- Si on définit la société par l'échange on
peut parler de société mondiale.
- Pourtant la forme actuelle de la société n'est-elle pas
dépendante de l'Etat ? Ne parle-t-on pas de société
française ou de société américaine ? La société
est définie actuellement par l'Etat.
- Un individualiste se construit dans une société très
large car il est obligé de se construire en opposition à
une multitude. Dans une communauté on n'est pas obligé de
s'affirmer en tant qu'individu.
- Dans un petit groupe il y a beaucoup d'échanges entre individus.
Dans un grand groupe, l'individu n'a plus besoin de s'affirmer en tant
qu'individu.
- On raisonne plus aujourd'hui en tant qu'individu plutôt qu'en
tant que membre d'une classe.
- L'Etat ne nous permet pas de nous considérer comme des individus.
- Je trouve que le fait d'avoir pris collectivisme dans le sens de vivre
en société a masqué les choses. Car individualisme
et collectivisme ne sont pas avant tout en rapport à la société
mais à la propriété. Qu'est-ce que le collectivisme
? C'est de mettre en commun la propriété privée.
Lorsqu'on parle de propriété privée, il s'agit des
moyens de production. L'individualisme dans son opposition à collectivisme
c'est le droit à la propriété privée. Quelqu'un
a dit tout à l'heure que l'individu était défini
par la liberté. Mais qu'est-ce que cette liberté ? N'est-ce
pas posséder ? Plus on possède plus on est libre et plus
on est individu. Donc ceux qui ne possèdent pas les moyens de production
ne sont pas des individus libres.
- Un routier qui a son propre camion est-il un individu ?
- Ce dont je parle c'est de la définition de l'individu dans notre
société. Je pense qu'il y a d'autres façons de définir
l'individu.
- L'individu peut être défini par d'autres critères
que l'économie, par exemple la culture.
- Je ne suis pas d'accord sur ce qui a été dit sur les inégalités
sociales, je pense que la marge s'est réduite depuis le XIXè
siècle. Ce que vous dites était valable pour le XIXè
siècle mais n'est plus valable aujourd'hui.
- N'a-t-on pas fondu toutes les classes en deux : le pouvoir et le reste
? Dès lors que les moyens de production appartiendraient à
tout le monde ne se retrouveraient-ils pas aux mains de l'Etat ?
- Pourquoi pas ?
- Mais l'Etat c'est la négation de l'individu.
- Le pouvoir n'est pas une classe mais au service d'une classe.
- Comment peut-on vouloir le bien de la société s'il y règne
des inégalités sociales ?
- Je pense que le propriété privée n'est pas un droit
fondamental de l'homme et pourtant elle est présentée comme
un droit de l'homme dans les constitutions et les déclarations
des droits de l'homme. Ne pourrait-on pas fonder l'individualité
sur l'égalité plutôt que sur la liberté et
la propriété privée ? Pas seulement une égalité
devant la loi, mais une égalité réelle : "à
chacun selon ses besoins" et non pas "à chacun selon
son mérite".
- Le "vouloir posséder" n'est-il pas naturel ? Je veux
posséder telle voiture, je veux posséder telle personne.
- Vouloir posséder quelqu'un n'est-ce pas la négation de
son individualité ? Le "naturel" est le dernier refuge
pour ne pas remettre en cause la propriété privée.
- Ce que vous dîtes n'est possible que dans des petites sociétés,
nous sommes trop nombreux dans la notre.
- N'est-ce pas justement ce qui est devant nous : la nécessité
de gérer une société de plusieurs milliards d'hommes
?
- La société nie l'individu par essence et la société
nie l'individu.
- C'est un constat que l'on peut faire de notre propre société,
mais d'autres sociétés ne sont-elles pas possibles ?
- Les sociétés tribales sont aussi inégalitaires
que la notre, le chef a tous les droits.
- Ce n'est pas si sûr la fonction du chef n'est-elle pas plutôt
la conciliation, et la conciliation n'est pas vraiment un pouvoir dans
ce cas (Cf. P. Clastres, La société contre l'Etat).
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