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L'idéal pour l'homme est-ce l'individualisme ou le collectivisme ?

débat au Gil'bar le 15 mai 1996

 

Paru dans l'Incendiaire n°5, février 1998
6 pages



Résumé

SUJETS PROPOSES
L'idéal pour l'homme est-ce l'individualisme ou le collectivisme ?
Le mensonge est-il utile ?
Pourquoi débattre ?
SUJET CHOISI
L'idéal pour l'homme est-ce l'individualisme ou le collectivisme ?

Vous pouvez trouver des extraits de textes en rapport avec le débat par ici.

 

Sommaire rapide

- La personne qui a proposé le sujet s'est expliquée. A l'heure actuelle on se tourne vers l'individualisme qui est une façon de penser où on met en avant l'intérêt personnel. Contrairement à cela le collectivisme c'est l'entraide.
- Pourquoi vit-on en société ? La société peut-elle se faire en dépit de l'individualisme ? On peut remarquer que le collectivisme se casse la gueule dans le monde entier.
- L'individualisme est-il seulement possible ? Ne va-t-il pas créer des troubles et du désordre dans la société ?
- Est-il question du collectivisme ou du communautarisme ?
- Je pense que c'est l'opposition entre l'individu et la société qui est ici en jeu. C'est en opposition avec les autres que l'homme se fait.
- La nature de l'homme est-elle seulement individuelle ou est-ce de se regrouper en société ? L'homme a besoin des autres pour affronter le danger. Je pense qu'on s'individualise actuellement parce que la technique permet de ne plus avoir besoin des autres comme avant pour affronter le danger.
- L'individualisme est crée par certaines formes de sociétés, la nôtre en particulier.
- A la place d'individualisme on pourrait dire [??].
- L'individualisme peut-il être opposé à communautarisme ? Car peut-on vraiment vivre seul ?
- C'est difficile de vivre avec les autres : l'enfer n'est-ce pas les autres ?
- Ce qu'on peut remettre en question c'est l'individualisme en tant qu'état d'esprit de certains. La société idéale serait qu'il y ait partage.
- Au fond est-ce que vous n'identifiez pas individualisme et égoïsme ?
- Certainement, un individualiste ne se préoccupe que de son propre intérêt, fait passer son propre intérêt avant toute autre chose.
- Dans l'égoïsme ce n'est pas l'individu qui prime mais moi, moi par rapport aux autres. L'individu c'est ce qui est indivisible, c'est le dernier élément indécomposable sur lequel on peut se baser. Dans l'individualisme ce n'est pas moi qui prime par rapport aux autres, c'est l'individuel par rapport au collectif. Par exemple lorsqu'on a fait une loi est-ce qu'on a pris en compte l'intérêt des individus ou l'intérêt de la collectivité ?
- Pourtant l'individualiste n'est-il pas quelqu'un qui prend tout ce qui s'offre à lui, qui ne s'intéresse pas aux autres ?
- Mais là tu le prends dans le sens : mon voisin ne me dit pas bonjour, la société est de plus en plus individualiste. Il faut distinguer individualisme et égoïsme, l'individualisme c'est une conception où l'individu prime et non le moi personnel.
- Dans l'exemple que tu as pris sur la loi, je ne vois pas pourquoi l'intérêt individuel serait en conflit avec l'intérêt général. Quel est donc le but de la vie en société ?
- Pour moi c'est l'épanouissement de l'individu.
- Est-ce que l'épanouissement de l'individu est opposé à l'épanouissement de la société ?
- Pas absolument. Mais dans notre société, nous ne sommes pas en présence d'un égoïsme individuel mais d'un égoïsme de classe, ce qui va à l'encontre de l'épanouissement de l'individu et de la société.
- Pourquoi faire intervenir les classes sociales ? L'individualisme égoïste est le résultat de l'amélioration technique et du confort. Avant, on avait besoin du groupe pour le travail quotidien. Aujourd'hui on peut se passer des autres pour s'acheter ce dont on a besoin.
- Faut-il prendre le sujet seulement dans l'opposition individu société ? L'opposition individualisme collectivisme n'implique-t-elle pas autre chose ? Peut-être faudrait-il parler de la première opposition et lorsqu'elle sera un peu éclaircie s'attacher à la seconde ? Je pense que l'opposition individu société se fonde sur ce que Kant appelle "l'insociable sociabilité de l'homme". L'homme est à la fois un être sociable et insociable, altruiste et égoïste, et les lois de la société sont faites à la fois pour favoriser son altruisme et empêcher son égoïsme.
- Sur le plan politique l'individualisme n'est-il pas plutôt une avancée ? Car l'individualisme est apparu à partir du XVIIIè siècle, avant l'individu n'était rien, un homme ne se définissait pas en lui même mais par son appartenance à un groupe.
- Ne va-t-on pas alors être amené à le définir par opposition au groupe ? Car pour en revenir à l'insociable sociabilité de l'homme, je pense que cela ne veut pas dire grand'chose, surtout qu'on va se polariser sur l'asociabilité en oubliant la sociabilité. On va en revenir à l'individualisme défini comme égoïsme naturel de l'homme.
- Au départ l'homme pense-t-il à lui ou à la société qui le fera s'épanouir ?
- Quelle est la limite de l'individualisme ? Est-on obligé de passer par la société ?
- Mais les rapports entre les hommes ne sont-ils que des rapports de concurrence ? Vous semblez présupposer que les seuls rapports sociaux sont les rapports qui existent dans notre société. C'est très malthusien, comme il n'y a pas assez de ressources pour tout le monde, il y a une lutte entre les hommes pour pouvoir survivre. Mais est-ce vraiment le cas ? Ne sommes-nous pas plutôt actuellement dans une phase de surproduction ?
- Quand la précarité augmente le grégarisme augmente aussi.
- Pour moi l'homme n'est pas comparable à un animal solitaire, il est plus proche des abeilles ou des loups.
- La collectivité, la société, est-ce seulement l'ensemble des individus qui la composent ou est-ce plus que cet ensemble ? Peut-on penser qu'il existe pour les hommes une chose équivalente à "l'esprit de la ruche" dont on a parlé pour les abeilles ?
- Peut-on vraiment considérer qu'une abeille est un individu ? L'homme seul peut être individuel.
- Comment définir l'individu ?
- L'individu est unique.
- Dans ce cas là il n'y en a qu'un seul. On est individu parce qu'on est reconnu individu par les autres.
- Suis-je un individu parce que j'occupe cette portion de l'espace à cet instant précis ?
- C'est partiel car ce n'est qu'une définition physique comme tout à l'heure nous avions une définition biologique. Un individu est différent des autres mais s'enrichit auprès d'eux tout en restant lui-même.
- Ce qui fonde mon individualité c'est mon égalité avec les autres. L'homme est un individu quand affirme son existence. C'est la liberté qui le définit en tant qu'individu.
- Ne peut-on pas définir la société comme un individu ?
- Une société est plus qu'un ensemble d'individus si elle se rend compte d'elle même.
- La difficulté dans ce que vous dites c'est qu'un individu par définition ne peut être décomposé. La société ne peut pas être un individu car elle est composée d'individus.
- N'y a-t-il pas une conscience du groupe car ne parle-t-on pas de conscience collective ?
- Mais si on dit que la société est un individu cela remet en cause l'individualité des hommes particuliers, il n'y aura plus la possibilité d'un individualisme.
- C'est parce que la société est un individu que la satisfaction de certains individus est possible.
- Si le but est la satisfaction de certains individus ce n'est pas le bien de la société qui est visé.
- Mais ce qui est de l'intérêt de la société n'est-il pas de l'intérêt des individus ?
- Ce n'est pas si sûr car outre l'individu et la société, il y a la communauté. N'y a-t-il pas une différence entre la société et la communauté ?
- La différence entre la société et la communauté c'est que la société a des dirigeants.
- N'est-ce pas plutôt l'échange, il y a échange à l'intérieur de la société il n'y a pas d'échange à l'intérieur d'une communauté.
- La communauté est figée, la société est en devenir.
- Ne parle-t-on pas quand même de C.E.E., de communauté européenne ? Cette communauté n'a-t-elle pas des dirigeants ?
- C'est le terme "dirigeant" qui est mal utilisé. Les dirigeants de la communauté européenne ne sont pas équivalents aux dirigeants d'une société particulière.
- Dans la société les rapports entre individus sont plus distants que dans la communauté. La communauté est un sous-ensemble de la société, on parle de communauté religieuse ou de communauté villageoise, cela suppose des liens plutôt fraternels. Par contre ce qui fonde une société c'est avant tout l'échange économique entre ses membres.
- Est-ce que c'est la société qui forme l'individu ou la communauté ?
- Ce serait plutôt la communauté. N'est-ce pas ce que pensait Sartre ? C'est le regard de l'autre qui me fait exister.
- Ne serait-ce pas plutôt qui me fait prendre conscience de mon existence de manière négative ? Je fais un geste maladroit et si je suis tout seul je l'assume entièrement. Par contre si quelqu'un m'a vu, j'ai honte. Et j'ai honte parce que je reconnais que je suis comme l'autre me vois. Le regard de l'autre fonde mon individualité.
- Le regard de l'autre ne me fait-il pas exister parce que j'oppose une résistance ? On se pose en s'opposant.
- Ca c'est la dialectique hégelienne du maître et du serviteur, Sartre ne semble avoir retenu que le premier moment.
- N'est-ce pas ça l'insociable sociabilité : on a besoin de la société mais on a peur de perdre sa liberté.
- Ne faut-il pas penser à soi-même avant de penser aux autres ? Le but de la société est-il le même que celui de l'individu ?
- Ne peut-on pas plutôt penser que la société étant divisée en classes sociales, ce n'est ni l'intérêt de l'individu ni l'intérêt de la société qui est mis en avant mais l'intérêt de classe ?
- Quand il n'y a pas de conscience de classe, la classe n'existe pas.
- Les classes sont une classification arbitraire imposée de l'extérieur.
- Ne peut-on pas fonder la différence de classe ?
- C'est trop difficile, par exemple quelqu'un qui a une profession libérale pourra être classé dans telle classe, et quelqu'un d'autre qui a la même profession dans telle autre. Il y a seulement une différence et une hiérarchie de salaires.
- Ce ne sont ni la profession ni le salaire qui fondent la classe mais la place dans la production économique. Dans notre société certains n'ont que leur force de travail qu'ils sont obligés de vendre à ceux qui possèdent les moyens de production. On peut donc distinguer au moins deux classes : ceux qui vendent leur force de travail et ceux qui possèdent les moyens de production et qui achètent la force de travail des autres. Pourquoi cela vous gêne-t-il autant de diviser la société en classes et d'en parler ?
- Les individus d'une même classe ont une même culture.
- Le fait que tout le monde n'a pas les mêmes moyens saute aux yeux. Par exemple pour les loisirs, pour sortir, certains peuvent se permettre de dépenser énormément, pour ma part je ne peux que dépenser très peu. Je ne me sens pas vraiment du même monde.
- Le concept de classe est dépassé car il se basait sur l'argent. Aujourd'hui tout le monde peut tout faire facilement même s'il n'est pas Crésus.
- Les classes c'est un truc de dirigeants.
- Je ne pense pas que tout le monde peut tout faire facilement. C'est quand même plus facile lorsqu'on gagne en un mois ce que les autres gagnent en un an.
- Comment peut-on se priver d'un outil théorique aussi efficace que les classes ? Les classes sont une réalité, et la division de la société en deux classes est de plus en plus évidente. D'un côté une classe très nombreuse qui ne possède rien, et d'un autre une classe de moins en moins nombreuse qui possède tout. Les autres classes sont de plus en plus paupérisées. A vous entendre on a l'impression que les ouvriers n'existent plus.
- Les ouvriers existent toujours en tant qu'individus et non en tant que classe sociale.
- La situation du chômeur est-elle plus enviable que celle du prolétaire ?
- Les classes n'existent plus car grâce à la communication il y a une grande mobilité sociale, tout le monde est à égalité dans la société.
- Au contraire, nous sommes dans une société qui est inégalitaire et même de plus en plus inégalitaire, mais c'est peut-être difficile de s'en rendre compte. Par exemple dans l'éducation nationale, lorsque j'étais prof. au Lycée technique E. Branly à Châtellerault, j'avais dans mes classes une très forte majorité d'enfants d'ouvriers et lorsque j'ai été prof. au Lycée d'enseignement général du Bois d'Amour à Poitiers il y avait seulement une minorité d'enfants d'ouvriers. Dans l'ensemble les enfants d'ouvriers seront à leur tour ouvriers (ou chômeurs), il n'y a pas de mobilité sociale.
- N'est-ce pas parce qu'à Châtellerault il y a plus d'ouvriers qu'à Poitiers ?
- A Châtellerault il y a aussi un Lycée équivalent au Bois d'Amour ou mieux à Victor Hugo : Berthelot, où les enfants d'ouvriers ne sont qu'en minorité. Si on nie l'existence des classes c'est parce qu'il y a une lutte idéologique entre les classes, les classes dominées ont adopté l'idéologie de la classe dominante, cette idéologie qui nie l'existence et la lutte des classes.
- La société actuelle serait-elle le terrain de la lutte entre classes ?
- Qu'est-ce que notre société ?
- L'individu ne serait-il pas la plus petite société ?
- Si on définit la société par l'échange on peut parler de société mondiale.
- Pourtant la forme actuelle de la société n'est-elle pas dépendante de l'Etat ? Ne parle-t-on pas de société française ou de société américaine ? La société est définie actuellement par l'Etat.
- Un individualiste se construit dans une société très large car il est obligé de se construire en opposition à une multitude. Dans une communauté on n'est pas obligé de s'affirmer en tant qu'individu.
- Dans un petit groupe il y a beaucoup d'échanges entre individus. Dans un grand groupe, l'individu n'a plus besoin de s'affirmer en tant qu'individu.
- On raisonne plus aujourd'hui en tant qu'individu plutôt qu'en tant que membre d'une classe.
- L'Etat ne nous permet pas de nous considérer comme des individus.
- Je trouve que le fait d'avoir pris collectivisme dans le sens de vivre en société a masqué les choses. Car individualisme et collectivisme ne sont pas avant tout en rapport à la société mais à la propriété. Qu'est-ce que le collectivisme ? C'est de mettre en commun la propriété privée. Lorsqu'on parle de propriété privée, il s'agit des moyens de production. L'individualisme dans son opposition à collectivisme c'est le droit à la propriété privée. Quelqu'un a dit tout à l'heure que l'individu était défini par la liberté. Mais qu'est-ce que cette liberté ? N'est-ce pas posséder ? Plus on possède plus on est libre et plus on est individu. Donc ceux qui ne possèdent pas les moyens de production ne sont pas des individus libres.
- Un routier qui a son propre camion est-il un individu ?
- Ce dont je parle c'est de la définition de l'individu dans notre société. Je pense qu'il y a d'autres façons de définir l'individu.
- L'individu peut être défini par d'autres critères que l'économie, par exemple la culture.
- Je ne suis pas d'accord sur ce qui a été dit sur les inégalités sociales, je pense que la marge s'est réduite depuis le XIXè siècle. Ce que vous dites était valable pour le XIXè siècle mais n'est plus valable aujourd'hui.
- N'a-t-on pas fondu toutes les classes en deux : le pouvoir et le reste ? Dès lors que les moyens de production appartiendraient à tout le monde ne se retrouveraient-ils pas aux mains de l'Etat ?
- Pourquoi pas ?
- Mais l'Etat c'est la négation de l'individu.
- Le pouvoir n'est pas une classe mais au service d'une classe.
- Comment peut-on vouloir le bien de la société s'il y règne des inégalités sociales ?
- Je pense que le propriété privée n'est pas un droit fondamental de l'homme et pourtant elle est présentée comme un droit de l'homme dans les constitutions et les déclarations des droits de l'homme. Ne pourrait-on pas fonder l'individualité sur l'égalité plutôt que sur la liberté et la propriété privée ? Pas seulement une égalité devant la loi, mais une égalité réelle : "à chacun selon ses besoins" et non pas "à chacun selon son mérite".
- Le "vouloir posséder" n'est-il pas naturel ? Je veux posséder telle voiture, je veux posséder telle personne.
- Vouloir posséder quelqu'un n'est-ce pas la négation de son individualité ? Le "naturel" est le dernier refuge pour ne pas remettre en cause la propriété privée.
- Ce que vous dîtes n'est possible que dans des petites sociétés, nous sommes trop nombreux dans la notre.
- N'est-ce pas justement ce qui est devant nous : la nécessité de gérer une société de plusieurs milliards d'hommes ?
- La société nie l'individu par essence et la société nie l'individu.
- C'est un constat que l'on peut faire de notre propre société, mais d'autres sociétés ne sont-elles pas possibles ?
- Les sociétés tribales sont aussi inégalitaires que la notre, le chef a tous les droits.
- Ce n'est pas si sûr la fonction du chef n'est-elle pas plutôt la conciliation, et la conciliation n'est pas vraiment un pouvoir dans ce cas (Cf. P. Clastres, La société contre l'Etat).
- ...

 

 

 

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