En s'émancipant, la femme a-t-elle
perdu ou gagné du pouvoir ?
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Paru dans l'Incendiaire n°8,
juin 1998
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DISCUSSION - PHILO du 13 / 11 / 97
La question du pouvoir de la femme provoque souvent des sourires entendus
chez les hommes, car, depuis toujours, ils ont attribué à
la femme toutes sortes de pouvoirs, affirmant même qu'elle les dominent
ou les manipulent, mais en dehors des sphères qu'ils se réservent
habituellement (politique, économique, culturelle, intellectuelle,
scientifique, théologique...). Ils lui prêtent, plutôt,
des pouvoirs magiques bénéfiques ou maléfiques, très
subjectifs, liés à l'affectivité souvent proches
de la sorcellerie, voire diaboliques. Il faudra des siècles pour
que la femme se débarrasse de ce carcan d'ensorceleuse, de manipulatrice
ou de responsable de tous les péchés du monde, et parvienne
à se déterminer par elle-même, sans passer par le
regard et le jugement des hommes. Il est certain que la femme actuelle bénéficie du combat
des femmes des générations précédentes qui
ont âprement lutté pour acquérir les mêmes droits
que les hommes et reprendre pleinement possession d'elles-mêmes,
de leurs corps, de leurs esprits et de tous leurs talents. Mais l'ampleur
prise par les mouvements féministes s'explique aussi par la situation
crée pendant les deux dernières grandes guerres, lorsque
les femmes ont dû remplacer les hommes à tous les niveaux
de responsabilité : elles ont alors prouvé qu'elles en étaient
parfaitement capables, surmontant ainsi leur lourd complexe d'infériorité. Apparemment, les gains en autonomie et en indépendance sont énormes : désormais, la femme, personne à part entière, a accès au droit, à l'instruction, à l'information, à l'enseignement supérieur, à la formation professionnelle, à l'emploi ; elle peut s'exprimer comme bon lui semble à travers tous les médias (il faut noter, au passage, l'importance du rôle joué par la presse féminine, la littérature et les livres écrits par des femmes, dans l'ensemble des mouvements d'émancipation); elle connaît et maîtrise mieux son corps, la procréation et la maternité, grâce aux progrès des sciences et de la médecine (notamment de la contraception); elle est libérée de la pénibilité de certaines tâches ménagères, grâce au progrès des technologies; elle est aidée à toutes sortes de niveau dans sa vie sociale et familiale, grâce au progrès des sciences humaines (psychologie, planning familial, assistanat social, mouvements associatifs); elle participe de plus en plus à la vie civile et politique, et un certain nombre d'entre elles se réalise pleinement dans une vie d'artiste. Elle peut s'assumer entièrement, se prendre en charge sur tous les plans, même en tant que mère célibataire, et pas seulement sur le plan économique. Mais peut-on affirmer, ce faisant, que la "femme libérée" des sociétés juridiquement, humainement, démocratiquement et technologiquement avancées, a gagné du pouvoir ? Car, en se libérant de tous les carcans, en particulier du protectorat masculin, et en devenant une personne majeure, la femme prend avant tout le risque de devenir quelqu'un de pleinement responsable : avoir l'obligation et le devoir d'assumer les conséquences de toutes ses paroles, de tous ses engagements, de tous ses actes, et aussi de tous les agissements des personnes mineures ou incapables qui sont à sa charge, ou dont elle a la garde ou la tutelle. N'a-t-elle pas, finalement, gagné davantage de stress, d'angoisse, de solitude et de problèmes existentiels ? Elle va peut être payer très cher le prix de sa libération : jusqu'à aujourd'hui, les femmes, malgré la dénomination de "sexe faible", ont montré une incroyable capacité de résistance, qui se traduisait dans la moyenne chiffrée de son espérance de vie, nettement supérieure à celle de l'homme. Or le train de vie qu'elle mène actuellement, avec l'accumulation des tâches et des soucis de la vie quotidienne, pourrait bien avoir raison de sa résistance : elle s'expose davantage au tabagisme, à l'alcoolisme, aux drogues, à la déprime, à la violence, aux sectes et manipulateurs en tous genres, à la délinquance ou à la clochardisation... Les jeux de pouvoirs sont toujours dangereux : la femme, qui connaît bien les jeux de la séduction, a intérêt à ne pas se laisser elle-même séduire et prendre à son propre piège : elle est capable de bien doser intelligence, réflexion, sensibilité, qualités de cur, finesse et sens des réalités, pour atteindre des points d'équilibre qui la maintiennent au-dessus du néant. Mais il lui reste encore à forger sa propre philosophie, à proposer des idées nouvelles porteuses d'avenir : au travail !
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