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En s'émancipant, la femme a-t-elle perdu ou gagné du pouvoir ?

par Eve Depardieu

 

Paru dans l'Incendiaire n°8, juin 1998
4 pages



Résumé

Ce débat a eu lieu dans un des cafés-philo de Nice qu'Eve Depardieu anime. Vous voulez en savoir plus ? C'est par ici !

 

Sommaire rapide

DISCUSSION - PHILO du 13 / 11 / 97
animée par Eve DEPARDIEU


Thème : En s'émancipant, la femme a-t-elle gagné ou perdu du pouvoir ?

La question du pouvoir de la femme provoque souvent des sourires entendus chez les hommes, car, depuis toujours, ils ont attribué à la femme toutes sortes de pouvoirs, affirmant même qu'elle les dominent ou les manipulent, mais en dehors des sphères qu'ils se réservent habituellement (politique, économique, culturelle, intellectuelle, scientifique, théologique...). Ils lui prêtent, plutôt, des pouvoirs magiques bénéfiques ou maléfiques, très subjectifs, liés à l'affectivité souvent proches de la sorcellerie, voire diaboliques. Il faudra des siècles pour que la femme se débarrasse de ce carcan d'ensorceleuse, de manipulatrice ou de responsable de tous les péchés du monde, et parvienne à se déterminer par elle-même, sans passer par le regard et le jugement des hommes.
Son émancipation a commencé par cette prise de distance par rapport aux croyances et aux religions, mais le terme d'émancipation recouvre d'autres domaines très importants:
- il peut être pris dans son sens juridique, signifiant qu'une personne sort de la minorité pour acquérir les mêmes droits que tout individu capable majeur. La femme n'a acquis ces droits que tout récemment : il a fallu du temps pour qu'elle soit reconnue comme une personne juridique à part entière, ayant la capacité d'agir en son nom propre, libérée de toute tutelle (père, mari) pour gérer et administrer ses biens, et prendre les décisions concernant ses intérêts et ses propres affaires. Il ne devrait même plus être question de droits de la femme, car cela la relègue encore au rang de cas particulier. On ne devrait parler que de droits de la personne, sans différenciation de sexe.
- il peut être pris, aussi, dans un sens plus large, plus philosophique, équivalant à libération : se libérer de toutes les contraintes et aliénations pour pouvoir laisser libre cours à l'autonomie de la volonté, c'est-à-dire avoir la possibilité et la capacité d'agir dans tous les domaines, selon ses propres choix, désirs, goûts, intérêts, projets. Cela demande tout un travail de prise de conscience de soi, de connaissance de soi, et de développement de la personnalité.

Il est certain que la femme actuelle bénéficie du combat des femmes des générations précédentes qui ont âprement lutté pour acquérir les mêmes droits que les hommes et reprendre pleinement possession d'elles-mêmes, de leurs corps, de leurs esprits et de tous leurs talents. Mais l'ampleur prise par les mouvements féministes s'explique aussi par la situation crée pendant les deux dernières grandes guerres, lorsque les femmes ont dû remplacer les hommes à tous les niveaux de responsabilité : elles ont alors prouvé qu'elles en étaient parfaitement capables, surmontant ainsi leur lourd complexe d'infériorité.
Simone de BEAUVOIR, dans "Le Deuxième Sexe", a passé au crible de l'analyse la situation de la femme dans une société entièrement pensée, conçue, organisée et dirigée par les hommes. Parlant du lourd destin pesant sur le deuxième sexe, elle a voulu montrer que cette situation d'infériorité et de secondarité, soit disant "biologique", n'était, en réalité, qu'un "fait historique et culturel" (de la société patriarcale monothéiste occidentale) : cela vient du fait que l'homme (et la philosophie a sa part de responsabilité) s'est toujours pensé sans la femme, alors que celle-ci s'est laissée définir par les hommes et toujours par rapport à eux.
Il était donc temps que la femme se détermine par elle-même. Dans cette démarche, il a été, évidemment, difficile d'éviter les excès et de tomber dans certains écueils : vouloir imiter les hommes, ou se rebeller contre eux et entrer en compétition avec eux, pour prouver, à tout prix, que la femme est leur égale, voire leur est supérieure. La femme n'a-t-elle pas pris le risque d'y perdre sa féminité, d'y laisser de nombreux avantages (en particulier la sécurité d'un environnement limité, mais très protecteur), d'accentuer les difficultés de communication entre les deux sexes, ou d'orienter la société vers un univers asexué ?

Apparemment, les gains en autonomie et en indépendance sont énormes : désormais, la femme, personne à part entière, a accès au droit, à l'instruction, à l'information, à l'enseignement supérieur, à la formation professionnelle, à l'emploi ; elle peut s'exprimer comme bon lui semble à travers tous les médias (il faut noter, au passage, l'importance du rôle joué par la presse féminine, la littérature et les livres écrits par des femmes, dans l'ensemble des mouvements d'émancipation); elle connaît et maîtrise mieux son corps, la procréation et la maternité, grâce aux progrès des sciences et de la médecine (notamment de la contraception); elle est libérée de la pénibilité de certaines tâches ménagères, grâce au progrès des technologies; elle est aidée à toutes sortes de niveau dans sa vie sociale et familiale, grâce au progrès des sciences humaines (psychologie, planning familial, assistanat social, mouvements associatifs); elle participe de plus en plus à la vie civile et politique, et un certain nombre d'entre elles se réalise pleinement dans une vie d'artiste. Elle peut s'assumer entièrement, se prendre en charge sur tous les plans, même en tant que mère célibataire, et pas seulement sur le plan économique.

Mais peut-on affirmer, ce faisant, que la "femme libérée" des sociétés juridiquement, humainement, démocratiquement et technologiquement avancées, a gagné du pouvoir ? Car, en se libérant de tous les carcans, en particulier du protectorat masculin, et en devenant une personne majeure, la femme prend avant tout le risque de devenir quelqu'un de pleinement responsable : avoir l'obligation et le devoir d'assumer les conséquences de toutes ses paroles, de tous ses engagements, de tous ses actes, et aussi de tous les agissements des personnes mineures ou incapables qui sont à sa charge, ou dont elle a la garde ou la tutelle. N'a-t-elle pas, finalement, gagné davantage de stress, d'angoisse, de solitude et de problèmes existentiels ? Elle va peut être payer très cher le prix de sa libération : jusqu'à aujourd'hui, les femmes, malgré la dénomination de "sexe faible", ont montré une incroyable capacité de résistance, qui se traduisait dans la moyenne chiffrée de son espérance de vie, nettement supérieure à celle de l'homme. Or le train de vie qu'elle mène actuellement, avec l'accumulation des tâches et des soucis de la vie quotidienne, pourrait bien avoir raison de sa résistance : elle s'expose davantage au tabagisme, à l'alcoolisme, aux drogues, à la déprime, à la violence, aux sectes et manipulateurs en tous genres, à la délinquance ou à la clochardisation...

Les jeux de pouvoirs sont toujours dangereux : la femme, qui connaît bien les jeux de la séduction, a intérêt à ne pas se laisser elle-même séduire et prendre à son propre piège : elle est capable de bien doser intelligence, réflexion, sensibilité, qualités de cœur, finesse et sens des réalités, pour atteindre des points d'équilibre qui la maintiennent au-dessus du néant. Mais il lui reste encore à forger sa propre philosophie, à proposer des idées nouvelles porteuses d'avenir : au travail !

 

 

 

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