HomeVie de l'IncendiaireLes archivesLiensActualité PhiloForumHelp !!!Nous quitter... déjà ?
   

Le téléphone sonne (2)

 

Paru dans l'Incendiaire n°8, juin 1998
4 pages



Résumé

Episode 1 - Episode 3
Suite du "Last fight" !

 

Sommaire rapide

Vers l'épisode 1
[Or pour moi le rôle du philosophe c'est la rigueur…], qui très analogue à celle des mathématiques, sur ce qu'est un concept, et qu'on doit développer tous les ingrédients d'un concept. Et à partir de là, moi je ne conteste pas du tout le rôle des cafés de philo, je dis seulement qu'il y en a qui sont bons, il y en a qui sont mauvais, et surtout il est respectable que des hommes et des femmes aient envie de se rencontrer pour discuter, je trouve ça très, très bien, ça ne veut pas dire qu'ils font de la philo. Ils peuvent bien faire autre chose que faire de la philo, c'est aussi une bonne chose, d'ailleurs ils sont dans un café, bon mais je crois qu'il ne faut pas mélanger les genres et surtout pas qu'il y ait une pression des uns sur les autres. Je vais vous donner un autre exemple, le rêve de toutes les télévisions aujourd'hui, y compris France 3 sur laquelle j'opère, c'est de faire une émission de philo qui soit un café de philo, ce qui est un contresens. L'intérêt des cafés de philo c'est que des gens y participent, en rencontrent d'autres, c'est pas un spectacle, c'est bien un spectacle qu'on se trompe sur ce qu'est la philosophie [???].
Alain Bédoué : Barbara Cassin vous voulez également intervenir ?
Barbara Cassin : oui je voulais dire qu'à mon avis quand on regarde de près ce que c'est que la première question de Socrate, c'est : " mais qu'est-ce que c'est que ça ? ", " qu'est-ce que c'est ? " et ça c'est pas du tout une question facile. " Qu'est-ce que c'est ? " c'est une question atrocement technique et qui se présente comme telle et les gens sèchent et Socrate aussi…
Alain Bédoué : Madame…
Une dame : Moi une chose qui me frappe c'est que les élèves, et même quand on a quitté l'enseignement secondaire depuis un certain temps, tout le monde se souvient généralement de son année de philo…
Alain Etchégoien : Comme du dentiste !
La dame : … est-ce que tout d'un coup… non, même ceux qui n'ont pas aimé, ceux qui ont aimé en gardent un souvenir ébloui, parce que tout d'un coup il s'est passé quelque chose et vous avez l'impression qu'une porte s'est ouverte dans votre cerveau. Et ce qui est peut-être un peu dommage c'est que si vous faites après d'autres études, cette porte va se refermer. Donc c'est déjà un élément, il faudrait que vous m'en parliez : est-ce que c'est pas dommage qu'on enseigne la philo qu'une seule année dans les lycées ? C'est déjà un point très important. La deuxième chose que je trouve intéressante c'est que, repartons de la question de base qui est la demande des gens, c'est qu'il y a ce désir, donc on le prend en compte, est-ce que ce désir ce n'est pas aussi quand il y a, je ne veux pas faire de la psychologie de bazar ou de la philo de bazar, mais quand il y a une sorte de brouillage du discours, de dire une chose toute simple : on revient à la base, puisque le discours politique nous parle d'un certain nombre de choses mais on ne comprend pas, ça retombe à dire : voilà la mondialisation c'est embêtant, ou l'économie ça retombe à dire ceci cela, de dire on revient à la base, la base c'est la justice, l'égalité, la fraternité, le… etc. Est-ce que ce qu'on vous demande aujourd'hui ce n'est pas tout simplement une sorte de retour à la base ?
Alain Finkielkraut : Alors je voudrais…
Alain Bédoué : Alain Finkielkraut ? Marc Sautet ensuite…
Alain Finkielkraut : …en deux mots d'abord… je crois que, euh… bon on pourrait toujours rêver d'un enseignement philosophique qui dure plusieurs années. Une année de philosophie comme en France c'est déjà pas mal et c'est presque une exception française, et puis il y a des symptômes très encourageants dans cette demande philosophique. Moi j'adore faire les librairies à Paris, aller dans les mêmes quartiers d'une librairie à l'autre. Au Quartier Latin ou pour ce qu'il en reste on a vu grandir par exemple la librairie Vrin qui était une librairie philosophique un peu oubliée et qui est devenue une librairie très importante, très fréquentée, avec des ouvrages même dans d'autres langues. On voit aussi que la demande se porte aussi et beaucoup sur les livres de philosophie même si ça ne fait pas des tirages exceptionnels, vous avez des livres en anglais, des livres américains chez Vrin, ça n'existait pas il y a encore 5 ou 6 ans. Et puis alors pour ce qui est de, si vous voulez, du désir des gens, il vient non seulement du brouillage des discours politiques, de la nécessité d'en venir à un certain nombre de valeurs comme la justice, la fraternité,… il vient aussi de certaines butées que l'on a. J'entendais tout à l'heure par exemple tout ce débat autour d'Yves Montant, mais c'est un débat extraordinaire ! C'est un philosophe qui a dit,… Vico, Jean-Baptista Vico, un philosophe qui a dit " humare humanum est " " enterrer les morts, c'est le propre de l'homme " il a dit il y a plusieurs cultures, il découvrait la diversité des cultures, il disait il y a trois traits fondamentaux : l'enterrement des morts, l'ensevelissement des morts, le mariage et la religion, c'est ça qui fait l'humanité, et qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui avec cette humanité-là, avec si vous voulez cet héritage symbolique dont nous sommes dépositaires ? Il y a une pression de la science, une pression des enfants, une pression de la justice pour effectivement faire parler les morts, pour déranger les morts. Tout cela suscite un dégoût mais en même temps un questionnement qu'il y a effectivement une réalité philosophique, et je crois que c'est tout à fait légitime il faut trouver les moyens de l'accompagner.
Alain Bédoué : Marc Sautet…
Marc Sautet : Oui c'est… c'est… c'est gentil, mais qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui avec l'injustice ? Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui avec la paupérisation ? Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui avec l'enrichissement extraordinaire et scandaleux des gens qui spéculent à la bourse tandis que les autres sombrent dans la misère ? Elle est là la motivation principale, on a cassé une voie, on a cassé une perspective, on a dit le socialisme, voyez comme c'est lamentable, c'est pas la bonne issue, vous n'y parviendrez pas par là. Qu'est-ce qu'on a fait en faisant ça ? On a fait en sorte que les gens du peuple se disent : " eh bien nous voilà pris au piège, une fatalité qui va nous écraser. Et désormais il y a une machine qui passe et nous en serons les victimes. Eh bien moi je vous dis que dans les cafés-philo il y a une résistance à cette fatalité et peut-être faudrait-il y venir pour pouvoir en juger et juger de la pertinence philosophique. Quand vous avez en face de vous 100 ou 150 personnes qui cherchent à savoir le vrai, qui cherchent à comprendre ce qu'il se passe, qui ne se contentent pas de l'avis des experts, y compris des experts financiers, et qui vous disent en face : " que faire ? " et que vous-même dans vos tripes vous avez exactement la même angoisse, et que vous êtes sur l'Agora, du coup, confronté à cette angoisse-là, à cette inquiétude, que vous essayez d'expliciter, alors à mon avis vous n'êtes pas dans la position socratique que vous évoquez vous, Barbara Cassin, au sens de : " qu'est-ce que c'est ? ". Vous êtes dans la position de Socrate effectivement à l'Agora, dans l'interrogation : " comment se fait-il que la démocratie qui est faite pour le bien du peuple, qui est le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple, se transforme en son contraire, se traduise par l'inverse, et là il y a un vrai mystère ". Et c'est ça le mystère de l'interrogation philosophique, elle est là la motivation principale, les gens veulent élucider ce mystère et je ne vois pas comment jusqu'à présent dans l'enseignement pédagogique dont vous êtes des praticiens vous allez faire avancer l'élucidation de ce mystère, en tout cas au même rythme que dans les cafés-philo. Et elle sera mise au crible, elle sera passée au crible toute la tradition que vous invoquez, elle est bienvenue, mais qu'elle nous dise en quoi elle nous permet d'avancer dans l'élucidation de ce mystère-là.
Alain Bédoué : Alain Etchégoien ?
Alain Etchégoien : Oui, trois remarques. La première c'est que je crois [inaudible : en concurrence ou en concordance ?] avec ce qu'a dit Marc Sautet que nous avons un devoir effectivement de faire de la philosophie pour ceux qui sont non philosophes. Et il faut utiliser, savoir utiliser, sans aller n'importe où, toutes les médiations qui sont possible, et ça, ça me paraît vraiment une nécessité parce que la philosophie a commencé toujours par travailler avec les non philosophes. Deuxième remarque parce que Alain Finkielkraut l'ignore, est-ce que vous savez qui dirige Vrin ?
Alain Finkielkraut : Non
Alain Etchégoien : Celui qui dirige Vrin, c'est l'ancien PDG de Gerlain [rires]. Qui est patron…
Barbara Cassin : depuis quelques jours ! ?
Non, non, pas du tout, non, non, c'est celui qui dirige depuis des années et qui est un patron de la grande distribution. Pour vous dire qu'il y a un mélange aujourd'hui du souci de l'édition de qualité, car Vrin est une très belle maison, je suis d'accord avec vous et puis par ailleurs d'autres intérêts. Enfin sur la mission de la philosophie, je ne crois pas du tout que ce soit une mission d'engagement, d'engagement social et politique, pas du tout. On a à apprendre à penser, apprendre à penser les mots qui se banalisent, à penser les mots qu'on dit…
Marc Sautet : Communisme par exemple !
Alain Bédoué : attendez…
Alain Etchégoien : Non, je prends un exemple… je prends un exemple de café de philo… je pense…
Alain Finkielkraut : on pourra faire un débat sur la question du communisme !
Alain Etchégoien : Non, non…
Alain Bédoué : On l'a déjà fait il y a trois jours !
Alain Finkielkraut : alors tant pis pour nous !
Alain Etchégoien : Nous avons fait une émission sur l'égalité samedi, on est allé au café de philo de Rouen sur l'égalité. Le problème c'était pas : " comment on nous libère ", c'était comment penser l'inégalité et l'égalité à partir de Rousseau, à partir de Spinoza, jusqu'à Rawls ou Walzer, c'était ça le problème et c'est de la pensée. Ce n'était pas du tout un mouvement de désir de subversion, non, il faut d'abord penser, la philosophie ça sert à ça.
" Toun toun toun 01 45 24 7000 "
Alain Bédoué : C'est à vous bonsoir
Un monsieur : Oui bonsoir
Alain Bédoué : Bonsoir Monsieur…
Le monsieur : Je suis enseignant dans le secondaire…(suite le mois prochain !)
Vers l'épisode 3

 

 

Si cet article vous a plu, téléchargez-le ! Téléchargez cet article
mais soyez gentils envoyez-nous un mail pour nous dire ce qu'il devient !

 

 

 


Réagir

Votre adresse :

Le sujet :

Votre courrier :


   
HomeVie de l'IncendiaireLes archivesLiensActualité PhiloForumHelp !!!Nous quitter... déjà ?
©Copyright L'Incendiaire 1996-1999 ; une publication de l'association Philosophie par Tous
Tous droits réservés(sauf si vous nous envoyez un gentil mail à lincendiaire@multimania.com !)